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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Ce qui caractérise le ministère actuel, c’est l’entêtement, par simple amour-propre d’inventeur ou d’auteur, dans des fantaisies dont ce qu’on peut dire de mieux est qu’elles laissent le pays indifférent, à moins qu’elles ne froissent ses sentimens ou ne menacent ses intérêts : fantaisie d’artiste chez M. Clemenceau que la translation des cendres de Zola du cimetière Montmartre au Panthéon ; fantaisie de politicien chez M. Barthou que le rachat de la Compagnie de l’Ouest. Le pays, pour lequel le gouvernement est censé travailler, n’a pris aucun intérêt à la première opération, et, bien qu’il sache encore incomplètement ce que lui coûtera la seconde, il en éprouve de l’inquiétude. N’importe, disent M. Clemenceau et M. Barthou : il faudra que le pays en passe par là, car nous l’avons décidé. Pour ce qui est de Zola, la chose est faite ; et quant au rachat de l’Ouest, elle est en train de se faire.

Après tant d’agitations, les cendres de Zola reposaient enfin tranquilles au cimetière Montmartre : pourquoi ne les y avoir pas laissées ? Tout le monde convient, le gouvernement le premier, que l’écrivain à lui tout seul n’aurait pas mérité les honneurs du Panthéon. Aussi n’est-ce pas l’écrivain que le gouvernement a voulu glorifier en Zola, mais le lutteur qui, un beau matin, s’est jeté à corps perdu à travers les méandres de l’affaire Dreyfus et y a apporté un nouvel aliment de colères. Nous avons jugé le fait au moment où il s’est produit ; Dieu nous garde d’y revenir aujourd’hui ! ce serait imiter le gouvernement dans l’acte même dont nous le blâmons. L’affaire Dreyfus est close : on vient de voir, en dépit de l’épreuve indiscrète à laquelle on l’a soumise, que rien désormais ne peut plus la rouvrir. C’était, certes, une imprudence en même temps qu’un défi, de la part du