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LE FLAMBEAU DEUXIEME PARTIE (1) LES FIANCÉS V Peu après cette soirée où, en se parlant fraternellement, Marie et lui s’étaient déjà regardés amoureusement l’un l’autre, la nécessité de la séparation s’imposa même à l’esprit de Lau- rières. L’absence de l’aimée lui serait, certes, une peine cruelle, mais peut-être moins irritante que celle de taire et de con- traindre son amour jusqu’au jour, si lointain encore, où elle consentirait à y répondre. Cette contrainte était d’ailleurs la seule entre eux, car ils se parlaient librement de leur vie actuelle et de leur passé. Ce fut ainsi que Laurières connut la place occupée dans les souvenirs et dans les affections de Marie par le Père Amelin, le Jésuite expulsé, ami, — ou plutôt ennemi, — intime de Canuzat, Les religieux tranchent à vif d’ordinaire les liens de famille, le Père Amelin ne l’avait fait que dans la mesure exigée par la dis- cipline. Marie, à moitié orpheline de très bonne heure, et, me- nacée de rester seule au monde tout à fait dès son adolescence, lui inspirait une compassion toute paternelle, — tant la santé de sa mère était incertaine, — et il s’occupa toujours d’elle de très près ; il eut, hélas ! la main malheureuse en la mariant à un de ses élèves, mais elle ne songeait nullement à lui en garder ran- cune ; elle ne pensait qu’à sa bonté tendre, à sa générosité par- (1) Voyez la Revue du 1" septembre.