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Hélas ! ce qui est historique aussi, c’est qu’hier, arrivant gaiement de Mâcon pour dîner à Monceau et entrant sur l’avenue, je trouvai six pouces d’épaisseur de grêle sur le terrain. Ma récolte est entièrement perdue. Une heure après, arrivait un courrier de Milly m’en annonçant presque autant. J’y suis venu voir mes raisins couchés dans mes prés par l’avalanche d’eau et de grêle. J’ai tout englouti dans mon opération d’Amérique manquée et dans mes immenses réparations, plantations, créations de vignes ici et à Monceau. Je ne sais plus où donner de Ha tête. Je suis enfin non ruiné, mais sévèrement gêné. J’ai deux banqueroutes cette année et deux grêles hier. Je ne sais à quel libraire me vouer. Je n’ai rien de prêt. Je travaille au curé vendu, payé, mangé. Plaignez-moi et sérieusement.


Nous sommes en 1835, et déjà la ruine s’annonce ! La cause n’en est ni aux dépenses du voyage d’Orient, ni au luxe d’un train de vie qui ne fut jamais exagéré ; elle est dans ces spéculations malheureuses, dont chacune devait réparer la précédente et en agrandissait le désastre. Plaignons donc le pauvre grand homme ! Déplorons cette « opération d’Amérique, » qui consistait à exporter des vins. Mais réservons pour un autre temps, où elle ne trouvera que trop matière à s’exercer, l’expression de notre pitié. À l’époque où nous sommes, Lamartine a bien le temps de s’alarmer ! Ces articles de journaux, cette avalanche de lettres, ce flot de visites, ce « tourbillon » où il est emporté, le ravit. Il n’est que de le voir au milieu de ses électeurs, parmi les fêtes, festins et arcs de triomphe. « Aujourd’hui je vais rendre les visites d’Hondschoote où les fêtes pour mon arrivée ne discontinuent pas (19 mai 1834). » « Nous avons eu hier notre grand dîner ici. Il s’est bien passé. Je pars à l’instant pour un autre chez Laurent Coppens avec la garde nationale de Dunkerque… Demain j’ai, le matin, les manufacturiers de betteraves et le soir festin électoral chez Laroyer (20 mai 1835). » « Arrivés à un quart de lieue de Gravelines, nous avons trouvé musique, garde nationale, conseil municipal, et une harangue, une réponse, entrée triomphale au milieu de la population et des drapeaux aux fenêtres, les cloches sonnant, musique et tambour résonnant, conduits à l’Hôtel de Ville. J’y ai reçu d’autres discours… puis grand dîner donné par la Ville. À deux heures, j’ai quitté Gravelines et je suis allé à Bourbourg, autre ville plus belle. Même réception et longues harangues de moi et des autorités municipales. À quatre heures, reparti pour Dunkerque. Grand souper chez M. Moissenel. Couché à Dunkerque. Ce matin, grand déjeuner chez Laurent