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L’ÉTÉ DU NORD
DU GOLFE DE BOTHNIE AUX ÎLES LOFOTEN

Tout le jour et toute la nuit, j’avais vu passer des bois et des taillis et des lacs et des collines aussi bleues que des lacs ; de temps en temps, une chaumine au toit de tourbe, enclose d’un mur de pierres sèches ; une maison rouge ; des granges solitaires pour les moissons qui attendent le traînage hivernal ; une immense campagne sauvage, à l’âme résineuse, où les rares habitations humaines font comme des taches de sang. La forêt de sapins luisans et minces s’avançait jusqu’à la clôture des fermes comme une foule massée aux barrières d’un champ de courses. Les fossés regorgeaient de fleurs. L’air nous arrivait embaumé du parfum des sorbiers et des lilas qui ne faisaient qu’éclore, et de l’odeur plus âpre des bouleaux. Les vallées étaient vertes, mais d’une verdure dont ne se décorent ni les printemps ni les étés du Sud, la verdure d’un monde nouvellement créé ou qui sort de la nuit d’hiver ainsi que du déluge. La basse d’un torrent grondait. Sur les rapides où les trains de bois avaient dévalé, des troncs d’arbres restaient accrochés à la pointe des rocs. Une zone de buée qu’irisait le soleil du matin dessinait entre la terre et le ciel la courbe lointaine d’une rivière ; et la lisière des forêts respirait une haleine bleue…

Nous descendîmes à une petite station pour couper le long voyage de Stockholm en Laponie. L’hôtel, en face de la gare, avait, comme beaucoup d’hôtels suédois, l’aspect engageant