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le Palatinat aux électeurs de la nouvelle branche. L’affaire fut jugée le 18 février 1702, et Madame perdit son procès. Elle réclamait des terres qui en auraient fait une façon de puissance ; la sentence de Clément XI la « réduisait, pour toutes ses prétentions, à toucher de l’Électeur palatin 300 000 écus romains, en défalquant même ce qu’elle pouvait avoir déjà reçu de ce prince[1], » et ce dernier retranchement terminait tout : elle avait déjà reçu plus que ne lui allouait le Pape. « Il ne me reviendra rien, » concluait-elle dans une lettre à ses sœurs, et elle profitait de l’occasion pour crier misère : « Si j’avais gagné… cela m’aurait mise dans une bonne situation, tandis qu’à présent, j’ai à peine de quoi vivre selon mon rang… Si j’avais eu de gros revenus, on m’aurait considérée[2]. » Les pauvres raugraves, toujours malchanceuses, toujours besogneuses, comprenaient et ne demandaient rien.

Au moment où nous prenons congé d’elle, la princesse Liselotte tient son sort entre ses mains. La petite cour de Monsieur, si haïssable et si dangereuse, a disparu avec lui ; plus de méchans tours ni de délations. Le Roi a rendu son amitié à sa belle-sœur apaisée et heureuse, qui jouit profondément de leur familiarité retrouvée. Elle a reçu de Mme de Main tenon des services qui l’ont réduite au silence, et elle se promet bien de ne pas compromettre la paix par des imprudences : « (7 juillet 1701.) Votre Dilection, écrit-elle à l’Electrice Sophie, pense bien que je ferai tout mon possible pour me conserver la faveur du Roi et l’amitié de Mme de Maintenon. » Madame fera-t-elle vraiment « tout son possible, » et pendant combien de temps ? Saura-t-elle vraiment imposer silence à sa jalousie et se résigner à ne pas tenir la première dans les affections du Roi ? C’est ce que nous verrons prochainement.


ARVEDE BARINE.

  1. Saint-Simon, éd. in-8o, X, 127. Dangean dit la même chose, et presque dans les mêmes termes.
  2. Lettres du 8 et du 22 avril 1702, aux raugrares.