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fictive et d’un tracé récent. Le roi Frédéric-Guillaume et le tsar Nicolas se sentirent solidaires pour longtemps. Flottwell, le nouveau président supérieur de la province, arriva à Posen avec un plan complet et redoutable de germanisation. Pendant dix ans (1830-1841), il l’appliqua avec la fermeté et la souplesse d’un grand administrateur. Il fonda des écoles pour propager la langue allemande, fit construire des routes pour amener la deutsche Kultur et, le premier, acheta des terres pour les revendre à des Allemands.

Frédéric-Guillaume IV, en montant sur le trône, revint à la politique des concessions. L’esprit du temps empêcha qu’elle ne produisît d’heureux résultats. En 1848, eut lieu le grand soulèvement des Polonais du grand-duché, que l’on objecte depuis aux partisans des mesures de conciliation. Cet événement, replacé dans sa véritable perspective historique, perd beaucoup de sa force probante. Un principe nouveau travaillait les peuples : le principe des nationalités allait transformer l’Europe. L’idée d’unité enthousiasmait l’Allemagne libérale, suffisamment logicienne alors pour admettre que l’agitation en faveur de « l’indépendance de la Pologne » était une conséquence naturelle de ce mouvement. Les Polonais ne demandaient que la réalisation des promesses de 1815. Dans une proclamation lancée le 1er avril 1848, ils disaient : « Nous embrassons fraternellement nos frères allemands et juifs ! Vive l’Allemagne libre ! Vive la Pologne libre ! » Ces sentimens généreux, comme beaucoup d’autres de cette époque, furent noyés dans le sang. Le rêve de la reconstitution de la Pologne surnagea. Après la grande désillusion de 1863, se dissipa peu à peu la croyance populaire que « les puissances de l’Ouest » referaient la Pologne. Dans les guerres de 1866 et de 1870, les Polonais firent vaillamment leur devoir de sujets prussiens. Ils formaient la plus grande partie de ce 5e corps d’armée décimé à Nachod et à la mémoire duquel on a élevé un monument sur la grande place de Posen. Sous les murs de Metz, la musique les mena au feu au son de leurs hymnes nationaux. Cependant la loi de colonisation fut votée deux ans avant la mort de l’empereur Guillaume Ier, Guillaume II, dès son avènement, rouvrit « l’ère de conciliation. » Elle dura quatre ans. Le cours des lois d’exception recommence.

Bismarck seul fut d’une humeur invariable à l’endroit des Slaves annexés. Tandis que, au lendemain des journées de