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d’Alexandrie, — Meks et Ramleh, — où, à défaut de fraîcheur, ils ont du moins la satisfaction de contempler beaucoup d’eau.

En Palestine et en Syrie, si le fléau de la poussière est moins terrible, les lieux cuisans ne manquent pas non plus. Parmi ces fournaises, il convient de donner la palme à Tibériade et à Jéricho. Que les bords de la Mer-Morte soient meurtriers pendant la saison chaude, on ne s’en étonne point trop, sur la réputation sinistre de ces parages. Mais Génésareth ! Le lac de Jésus, qui resplendit avec une telle douceur dans nos souvenirs ! Eh bien ! c’est ainsi ! Le lac évangélique est presque aussi méchant que l’Asphaltite son voisin. Tibériade est un étouffoir. La population y a des mines de déterrés. Je vois encore la figure de l’honnête hôtelier wurtembergeois chez qui j’étais descendu. Dans ce pays, où les sépulcres foisonnent, il avait l’air d’un cadavre fraîchement ressuscité. J’ai compris ensuite l’exclamation dolente du Franciscain qui, du haut de la terrasse de son couvent, me montrait les montagnes âpres et stériles, qui surplombent l’autre rive du lac, comme une muraille de prison. Il me disait : « C’est un pays maudit ! La malédiction du Seigneur est sur lui ! Malheur à toi, Capharnaüm ! Malheur à toi, Bethsaïda !… » Et il m’apprit que les religieux décimés par la fièvre abandonnaient le monastère qui était à peu près vide. Il n’y avait plus que trois Capucins, lorsque j’y passai. Lui-même était à bout de forces et demandait à s’aller rafraîchir un peu à Nazareth.

Dans des conditions pareilles, on conçoit que l’acclimatation soit à peu près impossible pour l’Européen, — surtout pour l’Européen du Nord. Il vit en Orient, il y vit même fort bien, en observant toutes les précautions requises et en revenant, à intervalles réguliers, se retremper au pays natal. Mais ceux qui font souche là-bas sont extrêmement rares. Les familles s’éteignent à la seconde ou à la troisième génération, à moins de croisemens avec les indigènes ou les Levantins. C’est exactement comme dans notre Algérie, où, en dehors des villes maritimes et des régions du Tell les plus rapprochées de la côte, les Méridionaux s’étiolent et ne se reproduisent pas. Les ouvriers manuels, — et cela se comprend, — ont plus de peine encore à résister au climat. J’ai rencontré à Damas, à Dérat, à Maân, de l’autre côté de la Mer-Morte, des équipes de terrassiers italiens qui travaillaient à la ligne du Hedjaz. Les malheureux étaient réduits à