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occidentales deux flagrantes contradictions. En premier lieu, elles se montrent très préoccupées des projets envahissans de la Russie et la forcent en même temps d’aller là où elles redoutent sa présence. L’Empereur a ajouté de sa propre main : « et où certes nous n’avons aucune envie d’aller. » En second lieu, elles s’élèvent contre l’influence croissante de la Russie à Constantinople et obligent en même temps la Porte, par toute espèce de menaces et d’intrigues, à considérer le gouvernement ru se comme un ami fidèle et sûr. Le comte Nesselrode charge l’ambassadeur d’exposer ces vérités élémentaires au Roi lui-même dont le bon sens ne saurait être mis en doute.

Le comte Pozzo s’acquitta de cette mission et réussit à convaincre le Roi qu’il jouait avec le feu en appareillant une escadre à destination des côtes de Turquie. Louis-Philippe s’appliquait à démontrer que les nouvelles d’Orient lui faisaient prévoir une chute prochaine de l’Empire Ottoman, et c’est pourquoi il croyait nécessaire de tenir en réserve une escadre. Mais lorsque l’ambassadeur lui fit comprendre que, par ces mesures préventives, la France ne ferait que précipiter la catastrophe, en répandant partout la crainte pour le lendemain, le Roi en convint. Ce qui l’arrêtait, c’était l’alliance avec l’Angleterre. « Je suivrais volontiers votre conseil, » dit-il à Pozzo, « mais on ne manquerait pas alors de dire que je déserte l’Angleterre et que je renonce à son alliance, résolution que je ne veux pas, et qu’il m’est impossible de prendre, surtout eu égard à la nature de mes relations actuelles avec les autres puissances. C’était afin d’éviter ce reproche que j’avais témoigné le désir de nous entendre… »

Un certain rapprochement s’établit ainsi entre le Roi et Pozzo : le Roi nourrissait incontestablement des sentimens de considération pour l’ambassadeur, et celui-ci appliquait tous ses efforts à améliorer les relations tendues entre les deux gouvernemens.


VII

Tout cela changea en 1835. A la fin de décembre 1834, le vice-chancelier annonça au comte Pozzo di Borgo sa nomination à Londres. Cette nouvelle fut pour le comte un coup de foudre au milieu d’un ciel serein ; il ne s’attendait nullement à ce changement, au sujet duquel il n’avait pas été consulté. Le maréchal