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Ses conseils bienvenus heures incertaines,
L’échange du secours empressé dans nos peines,
Et tant d’échos en moi qui, charmés, répondaient,
Quand ses paroles d’or sur ses lèvres chantaient…
Ainsi mes souvenirs sans nombre, mes pensées,
Par le lointain des jours et le deuil nuancées,
Au déclin des soleils s’en vont vers mon ami,
Insensible, là-bas, dans son ombre endormi,
Les souvenirs anciens, ceux aussi de naguère,
Les premiers où le temps jette un peu de mystère,
Les autres moins voilés, enfin les plus récens,
Qui passent dans mon âme en reliefs saisissans,
Vers la tombe profonde attirés tous en foule,
Et sur sa pente aussi la rivière s’écoule,
Entraînant lentement, seules ou par essaim,
Les feuilles mortes dont les unes, en son sein
Sous le vent automnal depuis longtemps tombées,
N’ont plus, couvertes d’eau, que des teintes plombées ;
D’autres, que l’onde mène à moins de profondeur,
Font transparaître encore une pâle rougeur,
Et d’autres où miroite une couleur vivace,
Laissant des reflets d’or, glissent à la surface,
Comme un clair souvenir d’hier ou du matin ;
Et toutes, en fuyant au cours du noir destin,
Avec mon rêve iront saluer la demeure
Où jadis mon ami m’attendait à toute heure,
Et puis… pourquoi tarder quand vient le morne hiver ?…
Elles s’engloutiront au gouffre de la mer.


CHARLES DE POMAIROLS.