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l’action directe, la grève générale, pourvu que les ouvriers soient suffisamment nombreux et organisés, — voire l’insurrection, si elle est opportune. La révolution, toutefois, ne serait que le prélude de l’évolution. M. Jaurès admet la théorie syndicaliste des élites ; mais, quelle que soit l’utilité de celles-ci, elles ne peuvent rien si elles n’éduquent le peuple entier ; syndicalisme et démocratie, au lieu de s’opposer, s’impliquent. De là l’impérieuse nécessité de conquérir la puissance politique par l’action électorale. L’unité du parti socialiste, dans cette œuvre à accomplir, demeure indestructible.

Après d’interminables débats au sein d’une commission, ce chef-d’œuvre d’ambiguïté et d’équivoque était acclamé, au milieu d’un tonnerre d’applaudissemens, à l’unanimité du Congrès, à l’exception d’une voix, celle de M. Breton, qui seul avait surnagé dans ce déluge d’éloquence, désespérément attaché à la branche pourrie du Bloc.

Si l’on admettait avec M. Jaurès que les oppositions de théorie et de tactique ne représentent dans le parti qu’une simple division du travail, convergeant au même but final, toutes les sectes, possibiliste, guesdiste, blanquiste, syndicaliste, hervéiste, pourraient se justifier de l’avoir votée : en réalité, ces conceptions se nient et ces mêmes sectes, en votant la motion de M. Jaurès, se sont infligé le démenti le plus cruel. Elles jugent si bien que leurs tendances se détruisirent les unes les autres, qu’elles étaient venues au Congrès de Toulouse avec le ferme propos de s’exclure réciproquement du parti socialiste. Les syndicalistes et les hervéistes avaient chassé deux possibilistes et un guesdiste de la Fédération de la Seine. Les guesdistes à Toulouse exigeaient les têtes des hervéistes et des anarchisans. Ces demandes d’exclusion ne pouvaient, après ce vote unanime, être maintenues ; mais les réconciliés n’en demeurent pas moins des ennemis mortels.

Aux yeux de quiconque connaît l’histoire du parti socialiste en France, qui n’est que scissions et déchiremens, M. Jaurès peut s’enorgueillir du résultat, plus apparent que réel, obtenu par lui ; il peut s’écrier : « Le socialisme unifié, c’est moi. » Ce surprenant, ce touchant accord est plutôt l’œuvre de M. Clemenceau qui, en séparant les radicaux des socialistes, unit étroitement le parti menacé à l’approche de la campagne électorale.

C’est un fait significatif que le tour de prestidigitation