Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/560

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je vous aime de me demander si je travaille, et de me dire que cela vous prouvera que je vous aime. L’assurance où je suis de vous donner cette preuve, me permet de vous avouer que j’ai encore à peu près tout à faire à cet égard. J’ai eu bien de la peine à me recueillir, et à me clouer à ma table ; mais enfin m’y voici ; et il me semble qu’en y travaillant dans l’idée de vous intéresser, de vous plaire et de mériter, au moins par quelque côté, d’être aimé de vous, je ne puis pas n’y pas faire quelque chose de bien, je veux dire de mieux que moi, abandonné à moi-même.

L’idée de ce voyage du Midi est une idée charmante à me faire tourner la tête ; et dût-ce n’être qu’un rêve, je n’ai point le courage de ne pas fermer les yeux, pour le faire, et le faire avec tout le charme et tout l’intérêt de ses plus menus détails. Mais il n’y a de motif, pour moi, ni peut-être de possibilité de le faire, qu’autant que je travaillerai beaucoup, avant l’époque convenable pour l’exécuter ; et c’est une raison de plus pour moi d’espérer que je travaillerai beaucoup. C’est une récompense à mériter, et je me battrais moi-même, si je ne la méritais pas. En attendant, j’aurai souvent l’occasion de faire ce voyage en idée, et de vous conduire ou de vous suivre, à travers ces belles campagnes où le souvenir de trois civilisations différentes ajoute un nouveau charme aux beautés de la nature…

… J’ai vu, avant son départ. Mlle Joséphine[1] ; il est convenu que j’irai de temps à autre chez son portier chercher les lettres que vous m’écrirez sous son adresse, mais il n’y faut pas mettre tant d’étoiles ; cela pourrait offusquer les grands yeux louches de nos postes ou de nos polices, qui se mettraient aisément en tête que nous sommes assez bêtes pour nous dire quelque chose qui les intéresse. La plus petite croix dans un des coins de l’adresse suffira pour m’aider à reconnaître mon bien. J’espère que vous m’aurez écrit de chez votre sœur, et un peu plus longuement que de Londres. Ainsi je ferai demain ou après un voyage au Marais. Ce n’est pas un si grand voyage que les vôtres ; mais je n’en ai pas, pour le moment, de plus doux à faire. Du reste, je vous enverrai dans une prochaine lettre une autre adresse, plus à portée de moi, et dans un cas extraordinaire,

  1. Mlle Joséphine Huotte, amie d’atelier de Mary Clarke, qui s’occupait de peinture : c’est en faisant le portrait d » Fauriel que leurs relations commencèrent.