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Peut-être passerions-nous assez tristement l’hiver à Milan, où il me paraît que nous ne pourrions guère nous voir plus qu’à Paris ; mais la Toscane, l’Apennin et plus de liberté sont là, en perspective, et il me serait doux de voir et d’étudier avec vous un pays que j’aime, et de mettre dans votre lète, à la place des Gylpies, quelque chose de plus sérieux et d’aussi aimable ! Nous serions à moitié chemin de la Grèce ! Voyez, décidez ! je n’ai point encore répondu sur l’Italie, de peur de prendre des engagemens qui vous déplairaient. J’attends ; mais je voudrais que vous eussiez pour le parti que vous prendrez, quel qu’il soit, un attrait indépendant de moi, une chose que vous feriez si je n’existais pas. Quant à ce qui dépend de moi, que puis-je vous dire ? Ne savez-vous pas que tout ce que je suis ou puis être est à vous ?…


Mary Clarke à Claude Fauriel


Vevey, le 24 décembre 1823.

Mon ange,

Il fait un temps superbe, à la fin ; mais je ne veux pas aller courir sans vous écrire, parce que j’ai peur qu’à cause de l’air tranquille avec lequel je parle d’aller en Italie dans ma dernière lettre, vous ne croyiez que cela m’est indifférent et que vous ne jetiez le manche après la cognée si à la police on vous fait des difficultés. J’ai pris l’air tranquille parce que sur et par-dessus tout je voudrais que nous fassions ce qui vous est à vous, vous, vous plus utile et plus agréable ; mais si cela vous l’est, je rejette l’air tranquille, qui me gêne, d’ailleurs, pour vous prier de ne pas vous décourager pour des petites bêtises qu’on fait à la police, qui est une chienne et qui ne vaut pas la peine qu’on se décourage pour elle de ce qu’on a envie de faire. J’espère bien qu’elle ouvrira ma lettre, celle-ci, parce que les écouteurs n’entendent jamais rien de bon, et qu’elle vous l’enverra cependant parce qu’elle se piquera peut-être d’honneur et voudra me prouver qu’elle est un peu moins malhonnête que je ne le crois. Mais je crois qu’elle m’a escroqué votre première lettre ; car j’ai écrit au maître de poste à Lausanne, et j’ai reçu, en retour une lettre d’Auguste qui y était ; et si la vôtre y était, elle me serait venue. Mais je viens d’écrire à celui de Berne et j’écrirai à tous les maîtres de poste de la Suisse plutôt que de manquer une ligne de vous…