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vous vous fâcheriez et je persisterais dans mon opinion. Ne croyez pas non plus que je ne voie pas ce qu’il peut y avoir de fatigant, d’irritant et de pénible dans les nécessités qui vous environnent ; je puis être aujourd’hui plus éclairé là-dessus que je ne l’étais, il y a quelque temps ; et loin, bien loin de rien vous reprocher à cet égard, je vous respecte et vous estime davantage. Encore un peu de courage, chère amie : nous serons réunis un jour qui n’est pas, je l’espère, bien éloigné, et que je rapprocherai de tous mes efforts, un jour où je pourrai vous dire : Que voulez-vous que je fasse pour que vous soyez heureuse à votre façon ? Ah ! si du moins, jusque-là, la certitude d’être aimée uniquement, pleinement et comme je n’aimai jamais, pouvait être une consolation, une douceur pour vous, je souffrirais moins de votre absence, de vos peines ; et l’idée ne me viendrait jamais de vous prier de m’oublier, de renoncer à moi, de me retirer le charme unique de ma vie. Je serais bien plus enclin à vous dire : Aimez-moi comme autrefois. Aujourd’hui, je ne puis que vous dire que je vous aime : je vous le dis donc, autant que cela peut se dire. Mais vous le verriez et vous en seriez sûre, si vous m’aviez vu depuis notre séparation. Vous en seriez plus sûre encore qu’à Lausanne.


Claude Fauriel à Mary Clarke.


Bruzoglio, 21 juin 1824.

... Les nouvelles que j’ai reçues de Paris augmentent encore mon peu d’empressement à y retourner tant que vous n’y serez pas, et mon incertitude sur le temps où il conviendra d’y retourner ; et d’un autre côté, j’entrevois avec horreur l’idée de me séparer de vous pour un temps indéfini, lors même qu’il ne serait pas long. Je n’avais jamais tant souffert de votre absence que cette fois ; je n’ai jamais tant désiré d’être près de vous. Ah ! si j’y étais maintenant, je suis sûr que je vous ennuierais à force de vous dire que je vous aime, et que la fantaisie d’en douter ne pourrait plus vous venir ! Ecrivez-moi donc, chère amie ; je suis impatient de vous savoir à Florence ; et je désire ardemment que vous puissiez y faire un séjour un peu long. A Florence, ici, quelque part, il faut que je vous retrouve, fût-ce pour vous perdre encore. Je veux du moins que vous sachiez