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dossiers au lieu même de leur naissance, diminuant ainsi leurs chances de fourvoiement dans le maquis administratif. Le bon sens commande cette division du travail ; car les procédés en usage ne sont ni industriels, ni rationnels, ni rapides.

Depuis une vingtaine d’années, les ministres passent, mais l’état-major général reste, constituant les dossiers, classant les affaires, conservant les traditions et les méthodes de travail. Une saute de vent politique n’entraîne plus le bouleversement de l’organisme tout entier. Noyé dans l’ensemble des bureaux, ce service mérite pourtant une place en vedette. De ses trois sections, la première centralise les renseignemens étrangers ; la deuxième entretient les défenses fixes et mobiles ; la troisième prépare les opérations navales et la mobilisation de la flotte.

Le chef d’état-major, qui a sous ses ordres ces trois sections, dirigeait en même temps autrefois le cabinet du ministre. Rien ne lui demeurait étranger ; c’était la cheville ouvrière du ministère. Sous son autorité, les directions formaient un bloc cohérent. Une seule porte séparait son cabinet de celui du ministre : d’où collaboration étroite et incessante de ces deux hommes. Ce coopérateur de tous les instans, choisi le plus souvent dans le cadre des vice-amiraux, exerçait une influence considérable qu’il tenait des règlemens aussi bien que de ses services antérieurs, de son expérience technique, de sa connaissance profonde des besoins de la marine et de son grade élevé.

En 1899, on découvrit que le chef d’état-major était surchargé de besogne. Il traite, disait-on, des milliers de questions, et son rôle capital, la préparation à la guerre, disparaît sous la frondaison touffue de ses occupations journalières. Un contre-amiral en sous-ordre le débarrassait pourtant des broutilles du service. Néanmoins, un décret du 18 juillet 1899 enleva au chef d’état-major la direction du cabinet du ministre et annula pratiquement son autorité sur les chefs de service.

Un nouveau décret du 31 janvier 1902 le diminua encore en lui refusant toute voix au chapitre pour l’attribution des commandemens et pour les nominations à certains emplois spéciaux. Désormais, on lui notifia les décisions prises, au lieu de le consulter, ou même, dans la plupart des cas, de sanctionner simplement ses propositions, propositions étayées sur une connaissance exacte des hommes et des choses, de la valeur technique des officiers et de leur aptitude à remplir tel ou tel emploi. Ces