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qui ne convergent pas au même point. Aucun organe ne concilie ces intérêts opposés.

Sans critiquer la compétence technique qui préside aux installations, on peut donc dire que celles-ci ne répondent pas toujours aux nécessités indiquées par les officiers combattans.

L’aménagement des soutes à munitions en fournit un autre exemple. Leur disposition laisse à désirer. Les tuyaux de vapeur des auxiliaires serpentent dans le voisinage immédiat des soutes, entretenant au fond des compartimens une chaleur insolite, malgré le feutrage peu conducteur dont on a soin d’habiller ces tuyaux. Il y a dix ans, les commandans se résignaient à combattre ces excès de température si nuisibles aux poudres B, par l’installation de rideaux d’eau à l’extérieur des soutes, moyen de fortune archaïque, incommode, illusoire.

Ce n’est pas tout. Par une ironie singulière, il entre beaucoup de bois dans le lambrissage de ces magasins, alors qu’on s’ingénie à proscrire ce corps combustible dans toutes les autres parties du navire. Du moins, en cas d’incendie, pourra-t-on rapidement inonder ces dangereuses chambres explosibles ? Il y aurait imprudence à l’affirmer. Le noyage des soutes, fondé sur le principe des vases communicans, s’opère à l’aide d’un collecteur d’eau de mer, d’où rayonnent sur chaque soute, ou groupe de soutes, des branchemens à faible section. Sur le cuirassé Saint-Louis, en théorie, si tout marche bien, il faut trente-deux minutes pour noyer la soute à obus de 305 millimètres arrière, ce qui laisse au bâtiment le temps de sauter au moins trente-deux fois. Et, si l’on veut submerger la soute de 47 millimètres (en communication avec la précédente), il faut aussi noyer celle de 305. La durée de l’opération, indifférente s’il s’agit d’un incendie extérieur à la soute, réduit à zéro son efficacité en cas d’inflammation spontanée à l’intérieur. Il conviendrait d’augmenter notablement la section des tuyaux noyeurs et de faire aboutir leur orifice, non pas à la partie inférieure de la soute (contrairement à tout bon sens), mais au plafond, de manière à asperger le contenu, par la simple ouverture d’un robinet.

Donc, ce service d’une importance capitale pour la sécurité du bâtiment, n’est pas assuré. On n’a rien fait depuis la mise en service des poudres B, malgré les accidens successifs enregistrés. Quel est le coupable ? Le constructeur ? L’artilleur ? L’un