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arsenaux, notre esquisse serait incomplète si nous n’ajoutions quelques mois au sujet des ouvriers dont l’indiscipline et les prétentions dépassent fréquemment toute limite tolérable.

Il y a beaucoup à dire à ce propos. D’abord, ce personnel inamovible est trop nombreux. Sans doute on le réduit par voie d’extinction. Mais, ici encore, une demi-mesure admet trop d’apprentis à combler les vides et la condensation ne s’opère point avec la rapidité désirable.

En second lieu, les ouvriers ont une influence marquée sur le rendement, mauvais au double point de vue de la production et du prix de revient. Il est vrai que si l’on met en cause le manque de zèle du personnel et la trop grande autorité qu’ont usurpée les syndicats, on ne doit pas omettre non plus l’organisation défectueuse des conditions du travail, l’outillage insuffisant et démodé, la mollesse d’un pouvoir central désireux de ménager trop d’intérêts, enfin, des tarifs douaniers qui nous placent dans une situation inférieure en élevant le prix des matières premières. Aussi, construisons-nous plus lentement et à un prix plus élevé que les étrangers. On calcule que, pour la même somme, nous construisons deux cuirassés alors que l’Angleterre en construit trois.

La journée de huit heures occasionne des pertes considérables. À l’époque où commença l’application de ce règlement, chacun des contre-torpilleurs Sabre et Francisque ont absorbé 70 000 journées. Un peu plus tard, le Coutelas et le Fleuret, du même type, en ont demandé 82 000 et 87 000. Ajoutons que l’exécution est moins consciencieuse, et que les malfaçons, autrefois très rares, deviennent fréquentes.

M. Cuvinot cite comme exemple de mauvais rendement la production de l’atelier des torpilles de Toulon :

Prix de la main d’œuvre
En 1902, on y a fabriqué 127 torpilles. 784 francs.
En 1903, 107
En 1904, 98
En 1905, 69 1 942 francs.

Le nombre des torpilles livrées descend régulièrement, tandis que le prix de la main-d’œuvre monte d’une façon inquiétante.

Cependant, on traite ce personnel avec une grande bienveillance. Récemment, le ministre appelait les ouvriers à siéger