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absolument tous les courtisans, les gardes et ceux qui auraient obtenu des faveurs particulières. Ce corps d’armée devrait être cantonné à portée de la Baltique, sous la garde et la surveillance d’officiers russes sachant assez bien le français pour s’assurer des intelligences parmi ces volontaires et découvrir ceux qui ne se seraient enrôlés que pour se soustraire à la prison ou avec le dessein encore plus dangereux de trahir leurs camarades. Mais on ne devait écarter ces suspects qu’au moment de l’exécution, afin de les empêcher d’en entraîner d’autres dans leur trahison. A ceux qui se seraient enrôlés de bonne foi, résolus à rester fidèles au parti qu’ils auraient embrassé, on ne laisserait ignorer ni le nom du général sous les ordres duquel ils devraient agir, ni qu’ils étaient uniquement destinés à opérer en France contre Bonaparte seul, et que la paix serait le fruit de leurs travaux.

De même, il serait essentiel que les premières proclamations des alliés, quand ils entreraient en France, assurassent le peuple de la paix générale sur des bases honorables « aussitôt la mort du tyran. » Si l’Espagne était entièrement évacuée, l’armée de Wellington devrait être transportée en Allemagne, et les transports qui l’y auraient conduite serviraient à porter en France les troupes françaises destinées à y agir. Si, au contraire, l’armée anglaise restait en Espagne pour combattre les troupes françaises, il faudrait réunir une quantité de transports russes, suédois et anglais, suffisante pour amener sans délai le corps d’armée, formé à l’aide des prisonniers, sur les côtes de Flandre, à proximité de Paris.

Quant au gouvernement futur, il n’y avait pas lieu d’en parler tant que l’Empire ne serait pas renversé ; il fallait laisser à chaque parti l’espoir de voir réaliser ses désirs. Si l’on annonçait le retour de l’ancienne famille régnante, les acquéreurs des biens nationaux, quelques hommes du parti républicain et ceux des émigrés qui avaient abandonné leur ancien souverain pour servir Bonaparte, s’effraieraient, et si l’on annonçait le l’établissement de la République, Bonaparte en profiterait pour prédire le règne de Robespierre et des Jacobins. « On doit donc, disait Moreau en finissant, se borner à proclamer la haine du Tyran, la paix, la modération et l’indulgence la plus complète pour toutes les opinions, quel que soit le gouvernement qu’on établisse. La France entière, qui abhorre l’état actuel des choses, n’a