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prince Myngoon considéré comme héritier du trône était un otage précieux. Sa situation permettrait, soit de l’annihiler, si le parti de l’annexion triomphait, soit de le préparer habilement au rôle éventuel de souverain protégé, si l’on adoptait résolument en Indo-Chine le maintien du statu quo territorial. Dans tous les cas, il était habile d’apaiser ses rancunes et de gagner sa reconnaissance en usant à son égard de procédés plus généreux. On installa donc les deux frères dans une résidence confortable ; le gouvernement indien pourvut largement à leurs besoins et le service de surveillance fut modifié de façon à leur laisser l’illusion de la liberté ; un délégué du vice-roi fut accrédité auprès d’eux comme intermédiaire et conseil ; les courriers birmans circulèrent sans difficulté entre Bénarès et Mandalé, apportant aux princes le pardon, les subsides et les avis de leur père, au Roi les sermens de repentir et de fidélité de ses fils que des amis mettaient en outre au courant des intrigues du palais.

Myngoon fut bientôt séduit par cette courtoisie. Il voulut prouver sa reconnaissance en profitant de son séjour forcé dans les Indes pour apprendre le rôle de souverain ami de la Grande-Bretagne qu’il songeait maintenant à remplir. Son éducation, tout asiatique, l’y avait mal préparé. Il rêva d’être plus tard un monarque réformateur, mettant d’accord les traditions séculaires de ses futurs sujets avec les méthodes occidentales de gouvernement. Il considéra le commissaire anglais comme un précepteur politique ; pour mieux s’initier aux idées européennes, il lut et médita les revendications, les critiques, les projets des baboos indiens. Il comprit tout le mal que pouvait faire un interprète dans un entretien diplomatique entre le représentant du gouvernement indien et le roi de Birmanie, et, pour l’éviter, il étudia l’anglais. Mais ses belles résolutions et ses efforts eurent une conséquence inattendue. Lorsqu’il fut assez savant pour discuter sans traducteur un sujet important, son ami le commissaire lui démontra les avantages d’une combinaison que le vice-roi lui faisait proposer : Myngoon et son frère abdiqueraient tous leurs droits sur le trône de Birmanie, et recevraient en échange une pension de 100 000 roupies, une liberté relative et de grands honneurs.

Les nouvelles de Mandalé avaient inspiré cette tentative de négociation. La dysenterie dont souffrait Min Doon s’aggravait, et l’on prévoyait à Calcutta la fin prochaine du Roi ; la renonciation