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Etait-il possible, par exemple, à l’artillerie de 1870, de donner un pareil appui à l’infanterie ? L’assaillant n’aurait pu développer plus de batteries qu’aujourd’hui. En raison de la lenteur de leur tir, ces 60 batteries feraient beaucoup moins de besogne que nos 25 batteries d’infanterie actuelles. Qui remplirait alors les autres tâches ? Le bénéfice que nous tirons du canon à tir rapide est, non seulement de pouvoir remplir avec moins de pièces toutes les missions qui incombent à l’arme, mais principalement de répartir ces missions de telle sorte que chaque unité, groupe ou batterie, en ait une seule nettement fixée.

Contrairement à certaines idées récemment exprimées, il est évident, et le bon sens l’indique, que plus l’arme à feu se perfectionne, plus ses effets sont rapidement écrasans, plus une attaque décisive, organisée, a de chances pour elle. Mais il faut pour conduire une pareille opération avoir conservé précise la notion de la masse, la notion de la concentration. Celle-ci ne consiste pas à concentrer tous les feux sur un même point, mais à faire converger toutes les forces vers un même but. Arriverait-on à ce résultat avec des batteries disséminées, avec des sections d’infanterie travaillant chacune pour son compte, sans l’intervention directrice du commandement ?

Les faits de guerre nous montrent nettement la puissance froissante de l’offensive. Dans les trois batailles autour de Plewna, l’armée russe put toujours prendre pied sur la position turque ; chaque fois, elle en fut chassée par un retour offensif. Offensive et contre-offensive ont donc toujours réussi. Et en Mandchourie, n’est-ce point au remarquable esprit d’offensive de son armée, chefs et soldats, que le Japon dut ses succès ? Succès chèrement payés en raison de la passivité de son artillerie mal protégée. Aujourd’hui, le bouclier doit rendre à l’artillerie ses traditions d’audace et d’énergie qui, en France, firent toujours sa gloire.

Nous venons de voir la nécessité et le rôle de la masse d’artillerie dans l’acte le plus grandiose de la bataille. Quant à la masse d’infanterie, ce ne sera pas la colonne de Wagram, comme nos contradicteurs prétendent nous le faire dire. L’infanterie usera, dans sa marche, des procédés qui lui sont habituels : une ligne de tirailleurs progressant par bonds et, en arrière, des bataillons sur plusieurs lignes, progressant par