Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/747

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire pénétrer cette conviction dans tous les esprits, pour que le haut commandement prît les mesures les plus énergiques pour subvenir aux prodigieuses consommations que nous devons entrevoir, consommations qui ménageront tant de vies humaines ! Le canon de l’avenir, d’un avenir très rapproché, je l’espère, changera-t-il les lois d’évolution ? En rien. Il rendra l’offensive plus puissante ; il permettra de déloger plus facilement le défenseur, d’une tranchée en détruisant le couvert, d’un village, en l’incendiant. Mais il ne fera que confirmer les lois d’évolution que je résume.

Difficulté plus sérieuse de la prise de contact ; importance croissante des préliminaires, tout au profit du parti le plus manœuvrier ; prolongation de la durée du combat ; accroissement de la puissance offensive de l’attaque tout au profit encore du parti qui, bien commandé et manœuvrier, amènera ses fortes réserves au point voulu, en temps opportun ; prépondérance croissante du feu, d’où fatalement proportion croissante de l’artillerie ; augmentation colossale de la dépense en munitions.

En résumé, importance toujours de plus en plus grande de la valeur du commandement et de l’aptitude manœuvrière, c’est-à-dire de la mobilité et de la vitesse. Cette importance de la vitesse se manifeste d’ailleurs dans toutes les branches de l’activité humaine.


L’exposé qui précède a fait comprendre l’absolue nécessité d’organiser un ravitaillement énergique. En Mandchourie, la dépense de l’artillerie russe a dépassé toutes les prévisions. Certaines batteries ont tiré jusqu’à 500 coups par pièce, et au delà en un seul jour de combat. On cite une batterie japonaise qui a tiré 1 000 coups par pièce en quatre heures. Et pourtant, les deux artilleries en présence étaient seulement à tir accéléré ; elles n’ont fait aucun effort pour s’annihiler réciproquement ; elles n’ont pas donné à leur infanterie l’appui que cette arme a le droit d’attendre de sa compagne. Aussi ne faudrait-il pas se fonder sur la dépense moyenne des artilleries russe et japonaise en Orient pour nos approvisionnemens ; nous irions au-devant des pires déceptions. Dans la prochaine guerre, l’artillerie qui voudra remplir parfaitement son rôle fera, — et ce ne sera pas un gaspillage, — une gigantesque consommation de projectiles : « toute économie de munitions devant se traduire