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avec les vôtres : cela n’est pas aisé, mais ne semblait cependant pas impossible, en prenant le parti de ne voir dans le midi de la France que des lieux qui me sont strictement indispensables à voir pour mon but actuel, et, en courant la chance de les voir plus mal et avec beaucoup plus de frais et de fatigue, en les voyant en hiver. Je vous aurais donc proposé de partir de suite de Florence, d’arriver en Provence, par où vous passez nécessairement en passant par Gènes. Là je vous aurais quittées, à moins que vous ne voulussiez faire le long tour de passer par Toulouse, et de vous arrêter quelques jours à Narbonne ou à Carcassonne, car c’est aux environs de ces deux villes que j’ai surtout à faire et à voir. Dans ce dernier cas, nous serions arrivés ensemble à Paris ; dans le cas où vous auriez continué immédiatement votre route pour Paris, nous n’aurions été séparés que pour quelques semaines, moyennant le sacrifice que j’aurais fait volontiers de ne voir que le plus indispensable, et de ne m’arrêter que pour le plus strict besoin. Voilà le projet auquel je faisais allusion dans ma lettre d’hier sans vous l’expliquer, et dont je vous dis aujourd’hui quelques mots sans prétention et sans espoir qu’il vous agrée.

Le ton et la nature de vos reproches a glacé désormais toutes mes espérances et tous mes projets. Je suis triste, honteux et las de voir que tous mes sentimens pour vous n’aboutissent qu’à vous causer des peines, et qu’à m’attirer des reproches. Il n’y a presque pas une des lettres que vous m’avez écrites depuis notre séparation à Venise, où vous ne m’accusiez de tout ce que vous souffrez en Italie ; et vous avez été dans une jusqu’à me dire, de sang-froid et en détail, que je ne méritais pas d’être aimé par vous, et à m’expliquer tout ce que j’avais fait (selon vous) pour que vous fussiez changée pour moi. Aujourd’hui, vous me reprochez de vous tyranniser, de vous avoir caché mes intentions en toutes choses ; d’avoir voulu aller à Rome et de ne point vouloir aller à Paris, etc., etc.

Chère, bien chère amie, malgré toutes vos injustices et l’emportement perpétuel de votre caractère, emportement qui m’en donne malgré moi un pareil, permettez-moi de vous dire quelques mots qui seront les derniers que je veuille dire pour me justifier. Je vous ai aimée dès que je vous ai connue, et sans réfléchir le moins du monde, si, dans l’ensemble de mes circonstances, c’était une chose raisonnable ou folle que je faisais, et