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V. — LA CRISE


Journal de Mary Clarke.


Le 28 décembre 1825.

Je suis très triste et je m’en veux de l’être. Que faire pour corriger une imagination déréglée ? Je prie sans foi, assez positiviste, je travaille et le travail ne m’intéresse point. Qu’est-ce que je dois attendre de la vieillesse ? Je n’ai point vu Cousin hier au soir, voilà ma seule raison de mélancolie. Si décrire mes folies pouvait m’en corriger, je les éviterais cent fois le jour, je ne ferais que cela. M. Tissot a répété de mauvais vers : les mauvais vers descendent en France ; je leur donne dix ans de succès encore. Voyons, c’est aujourd’hui l’avant-dernier jour de l’année : comment serai-je d’aujourd’hui en un an ? Plus raisonnable ? Dieu le veuille, toutes mes souffrances, toutes mes tristesses me viennent de passions et d’imaginations déréglées. Que Dieu me fasse la grâce de les surmonter. Un seul genre de vie peut-être pourrait me changer de fond en comble : il faudrait couper dans le vif à toutes les vanités, à toutes les raffineries sentimentales, me retirer à la campagne et travailler toujours ; et je comprends bien les chartreux, et les trappistes et les carmélites ! Je verrais si, étant mariée, je serais plus heureuse. Je crains que non :