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s’il n’avait pas toujours été tacitement admis que la Bosnie entrait, pour n’en plus sortir, dans l’Empire austro-hongrois. L’Autriche ne nie pas ses engagemens, elle les explique. L’article 25 du traité de Berlin lui confère, dit-elle, le droit « d’occuper et d’administrer » la Bosnie et l’Herzégovine, il ne fixe pas de délai, il ne stipule pas le caractère provisoire de l’occupation ; il parle au contraire « d’assurer le maintien du nouvel état politique » créé par le traité. Sans doute il y a une clause secrète (celle dont M. Hanoteaux a publié ici pour la première fois le texte)[1] : elle dit que « l’occupation sera considérée comme provisoire, » et que « les droits de souveraineté du Sultan ne subiront aucune atteinte ; » mais il est constant que cette clause n’a été qu’un expédient pour donner une satisfaction platonique, de pure forme, à la Turquie. Personne, au Congrès ni en Europe, non pas même le Turc ou le Serbe, ne mit en doute qu’il s’agissait d’une annexion déguisée ; personne n’imagina que les deux provinces pourraient jamais faire retour à l’Empire ottoman.

Il y a trente ans que l’Autriche occupe et administre la Bosnie et l’Herzégovine. L’Angleterre, par la voix de Beaconsfield, avait déclaré « faire appel à une puissance voisine, forte et intéressée au maintien de la paix, » pour empêcher les deux provinces de redevenir le théâtre de luttes sanglantes. L’Autriche ne s’est-elle pcs acquittée de sa mission à la satisfaction de l’Europe ? L’ordre et la paix n’ont-ils pas régné dans le pays ? L’Autriche n’a-t-elle pas assuré la sécurité et le bien-être matériel des habitans, multiplié les écoles, les grands établissemens d’instruction, les voies de communication ? Les rivalités anciennes, entre musulmans et chrétiens, ne se sont-elles pas apaisées ? Il est temps, pour l’Autriche, de recueillir le fruit de ses travaux et de ses dépenses. L’annexion a été réalisée brusquement, mais elle était « dans l’air » depuis plusieurs années ; on l’avait discutée en 1906 quand l’Empereur forma le projet d’aller en Bosnie pour assister aux grandes manœuvres et qu’il en fut empêché au dernier moment. Enfin, l’été dernier, il avait été décidé à Vienne que la question serait débattue devant les Délégations ; c’est alors que les événemens précipitèrent une solution que, de toutes parts, on pressentait prochaine.

  1. Voyez la Revue du 1er octobre, p. 497.