Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/918

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



GINEVRA


C’est l’histoire de Ginevra
Qu’on crut morte et qu’on enterra,

De son blanc linceul recouverte,
Face au ciel, dans sa bière ouverte.

Elle se met sur son séant :
Elle a reconnu le néant,

Le caveau, les lampes funèbres...
Et l’horreur est dans ses vertèbres.

Elle a fui, criant au secours.
Vers la ville de ses amours.

Elle ne rencontre personne ;
La morte vivante frissonne.

Sur ses beaux seins, sur ses beaux flancs,
Le linceul tord de grands plis blancs.

Elle court, cherchant l’espérance
Et sa mère, — à travers Florence.

— « Ma mère !... c’est moi, Ginevra,
Qu’on crut morte, et qu’on enterra !...

C’est moi qui frappe à votre porte ! »
Et la mère entendit la morte,

Et cria : — « Passe ton chemin.
On dira des messes demain !...

Passe, fantôme de ma fille ! »
Les spectres n’ont pas de famille.

Alors, le cœur froid, les yeux fous,
Elle courut chez son époux :