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récente publication des Lettres familiales de Christina Rossetti, les évoque à notre souvenir une fois de plus.

Aussi bien Christina est-elle assurément, dans ce groupe fraternel, la figure la plus exquise et, en même temps, la plus haute, celle dont l’image grandit le plus constamment, sous nos yeux, avec les années. Parmi ces trois poètes dont chacun représente pour nous un aspect particulier d’un idéal commun de beauté, — idéal étendu, d’ailleurs, chez tous trois, jusqu’à ses limites extrêmes, et ainsi revêtu d’une incontestable portée « géniale, » — la sœur aînée. Maria, nous apparaît une incarnation du mysticisme religieux ; le frère, Dante-Gabriel, nous fait voir essentiellement un type achevé de l’« artiste : » mais, à côté d’eux, Christina, dans sa vie comme dans son œuvre, et avec un mélange singulier d’ardente passion italienne et de timide et virginale discrétion anglaise, n’est en quelque sorte, tout entière, qu’un symbole sans pareil de la « poésie. » C’est déjà ce que nous avaient révélé ses adorables recueils de vers et de prose, excellemment analysés et commentés, naguère, par Mme Georges Goyau, dans la meilleure étude qui jamais ait été consacrée à sa douce mémoire[1] ; et voici qu’une impression toute semblable, mais plus précise encore et plus délicieuse, se dégage de ces simples lettres « familiales » de Christina, publiées par l’unique survivant des Rossetti, le second frère, William, — le seul qui, malheureusement, malgré l’abondance et la variété infinies de sa production, n’ait eu en soi aucune étincelle de la précieuse flamme du génie créateur !


Sur la vie et le caractère de la sœur aînée, auteur d’une admirable interprétation religieuse du poème de Dante, le volume nouveau ne nous apprend, en vérité, qu’assez peu de chose. Du moins il ne commence à nous parler d’elle qu’au moment où Maria Rossetti, en 1873, se sépare de sa plus jeune sœur pour aller s’enfermer dans un couvent de religieuses anglicanes ; et nous ne possédons pas même un portrait, peint ou dessiné, pas même une lettre ni le moindre billet, qui puisse nous introduire dans l’intimité de cette Maria que sa sœur, après sa mort, a pieusement célébrée comme un prodige de sagesse et de beauté chrétiennes. Mais tout ce que nous apercevons d’elle, cette fois comme toujours, nous arrive baigné d’une touchante atmosphère d’élévation religieuse et de mysticité, soit que nous assistions

  1. Cette belle étude de Mme L. Félix-Faure Goyau sur Christina Rossetti'' fait partie du volume intitulé : Ames païennes, Ames chrétiennes (librairie Perrin, 5e édition, 1908).