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jeûne, de la confession, et de la communion, avec sa commémoration familière de la Vierge et des Saints, la religion qu’elle s’était choisie, et qui souvent a dû paraître bien froide aux mystiques élans de sa sœur Maria, a toujours pleinement suffi à la satisfaire, séparée qu’elle était d’un catholicisme plus absolu par les traditions protestantes et « libérales » de sa famille. Elle ne l’a empêchée ni de se nourrir de l’Imitation, ni d’admirer les sermons du cardinal Newman, ni de vivre tout à l’aise dans l’univers artistique des vieux poètes et peintres italiens. Et pour nous, aujourd’hui, son œuvre chrétienne, tout de même que celle du protestant Novalis, rassemble les fleurs les plus exquises d’une poésie éminemment catholique, répondant aux plus pures aspirations de notre besoin d’images et de chants sacrés. Plût à Dieu qu’un miracle permît jamais à ces vers de Christina Rossetti, comme aux hymnes de Novalis, de pénétrer jusqu’à nos âmes françaises, pour les nourrir de leur vivante et bienfaisante beauté ! Mais, hélas ! quel magicien réussira à nous rendre la musique et le parfum qui, dans le texte original de l’incomparable « année chrétienne » intitulée Le Temps fuit, flottent autour de pensées comme celles-ci :


17 MARS.

Qu’est-ce que Jésus dit à l’âme ? — « Prends la croix, et viens à ma suite ! » — Une même parole, Il la dit à tous : personne ne peut-être — sans une croix, et pourtant espérer d’aborder au port.

Donc, soulève-la bravement, et dispose ton corps — tout entier pour la porter ; elle ne pèsera point sur toi — au delà de tes forces ; ou bien, si elle t’affaisse à genoux, — prends cœur dans la grâce divine qui sera ton soutien !

Et remercie le jour d’aujourd’hui, et laisse celui de demain — s’occuper de lui-même : aujourd’hui seul t’importe, — et il se peut que l’aube de demain ne soit pas du tout comme celle d’hier.

Jusqu’à ce demain inconnu, suis ta route, — et souffre, et travaille, et peine pour l’amour de Jésus : — car qui sait quel réveil demain te réserve ?


22 MARS.

Le cœur du Christ s’est convulsé pour moi, si mon cœur est en peine ; et si mes pieds sont las, les siens ont saigné. — Lui qui n’avait pas d’endroit où poser sa tête, — si mon fardeau est lourd, combien plus lui a pesé le sien !

La coupe où il me faut boire, Il l’a vidée avant moi ; — il a ressenti l’indicible angoisse que je crains ; — et Celui qui a nourri les milliers d’affamés a eu faim, — et soif Celui qui a désaltéré le monde.