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On a trouvé, paraît-il, en Russie que M. Isvolski n’était pas assez énergique dans sa protestation contre l’annexion de l’Herzégovine et de la Bosnie et dans sa revendication des droits des populations slaves. M. Isvolski avait répondu d’avance à ce reproche en faisant remarquer qu’il était ministre et que, à ce titre, il avait le devoir de ménager certaines convenances dont l’opinion s’embarrassait moins. Tenons-nous-en à sa note qui, seule, a un caractère diplomatique : qu’a-t-on à y reprendre ? Elle contient deux parties distinctes, l’une purement théorique, en somme, et historique, l’autre plus pratique. La première affirme la nécessité d’une conférence, et elle s’appuie sur un précédent que la Russie connaît mieux que personne, puisque c’est contre elle qu’il a été créé, à savoir celui de la conférence de Londres dont l’intervention a été jugée indispensable, en 1871, après la dénonciation faite par le prince Gortschakoff d’un article du Traité de Paris. Cette thèse, qui est celle de la Russie, est aussi celle de la France et de l’Angleterre : on peut dire que c’est celle du droit des gens, et même du bon sens. Mais ceux qui la professent, — nous en sommes sûr pour la France et pour l’Angleterre, et convaincu pour la Russie, — ne sont animés d’aucun mauvais dessein contre l’Autriche. Certes, nous aurions préféré que M. le baron d’Æhrenthal s’abstînt de faire le geste imprudent qui devait, sans avantage manifeste pour son pays, déchaîner tant de passions dans l’Europe orientale ; toutefois, ce qui est fait est fait, et il n’est dans l’esprit de personne d’obliger l’Autriche à s’infliger un démenti. On voudrait seulement, autour de ce qui a été fait, créer une légalité nouvelle et amener l’apaisement. L’Autriche aurait dû le comprendre et s’y prêter avec bonne grâce. Loin de là, le ton allier qu’a affecté M. d’Æhrenthal a ajouté des difficultés nouvelles à celles qui existaient déjà. Il semblait, en vérité, qu’il n’y eût de droit au monde que pour l’Autriche, et que les autres puissances, grandes et petites, dussent s’incliner respectueusement et silencieusement devant sa volonté, qui prenait dans la forme quelque chose d’absolu. L’Europe a attendu, dans l’espoir que cette forme s’atténuerait avec le temps, et on a cru, ces derniers jours, être arrivé assez près du résultat désiré. C’est alors que M. Isvolski a écrit sa note dans laquelle il affirme la nécessité de la Conférence. Cette affirmation avait pris un caractère qui semblait inoffensif, puisque l’Autriche elle-même ne repoussait plus aussi résolument le principe de la Conférence et se préoccupait surtout des conditions dans lesquelles on l’appliquerait. « Heureusement, dit M. Isvolski, la possibilité s’offre maintenant de faire