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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/320

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que déjà la petite fille avait à remplir d’autres devoirs, éveillait d’autres préoccupations chez ceux qui s’intéressaient à elle. Elle avait cinq ou six ans, le temps était arrivé où l’éducation sérieuse allait commencer. Celle qu’ont reçue les générations qui se sont succédé depuis l’avènement de Henri IV jusqu’à la mort de Louis XIII a dû changer avec l’idée qu’on s’est faite du rôle de la femme dans la société.

Les femmes n’étaient pas restées étrangères à cette ardeur de savoir qui fut la noble passion de la Renaissance. « Que dirai-je, — écrit Rabelais, — les femmes et les filles ont aspiré à cette louange et manne céleste de bonne doctrine. » Beaucoup de contemporaines de Rabelais y atteignirent. Chez celles de Montaigne, de « la bonne doctrine » il ne resta souvent que l’affectation et le pédantisme. Même dans la seconde moitié du siècle, on savait gré aux femmes d’une culture raffinée. Elle valut à plusieurs demoiselles pauvres attachées au service de Catherine de Médicis un établissement pour lequel leurs pères n’avaient pas eu de dot à constituer. Tant d’exemples honorables pour l’instruction féminine n’avaient pu que lui assurer une faveur générale. Avaient-ils été jusqu’à triompher de la conception timorée, étroite, qu’on se faisait encore du rôle du sexe faible dans la société ? Nous ne le croyons pas. Erasme, qui nous a déjà révélé la place excessive du formalisme dans l’éducation de la jeune fille, censure l’opinion de ceux qui croient qu’il ne manque rien à cette éducation du moment où elle l’a conduite jusqu’au mariage en la préservant du commerce des hommes, et qui ne s’aperçoivent pas du danger que court son innocence avec de grossières servantes. Au préjugé qui trouve l’instruction déplacée chez elle, il oppose le sentiment des gens de bon sens qui y voient la meilleure école du jugement, la meilleure sauvegarde des mœurs. Ailleurs, il reconnaît les avantages de l’éducation ménagère, mais il met encore au-dessus le travail intellectuel, parce qu’il absorbe plus l’esprit, parce qu’il forme et moralise davantage. Erasme aurait-il été le lettré et l’érudit que l’on sait si, en rendant hommage à l’utilité de l’apprentissage de la vie domestique, il n’avait attribué à la culture intellectuelle une influence prépondérante sur la formation de l’esprit et du cœur ? El pourtant le programme de Vivès, qui est aussi un érudit et un lettré, ne fait aucune part aux connaissances que la science peut ajouter à celles qui viennent de la