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« Madame » de Celle. Ces insinuations blessantes révoltaient Sophie-Dorothée, elle finit par fronder avec malice les règlemens qu’elle avait d’abord enfreints par ignorance.

Tout aurait pu s’arranger si son mari l’avait aimée ; mais à aucune époque, même au temps de ses fiançailles, Georges-Louis ne se montra attentif ou affectueux pour elle ; et la princesse n’avait pour ressource que la société d’une dame d’honneur : Éléonore von Knesebeck. Celle-ci, qui fut entraînée plus tard dans la ruine de sa maîtresse, lui était entièrement dévouée ; mais elle manquait de jugement et de prudence.

Le 30 octobre 1683, Sophie-Dorothée donna le jour à un fils, Georges-Auguste, qui, quarante-quatre ans plus tard, devint le second roi d’Angleterre de la maison de Hanovre. La naissance d’un héritier ne procura pas à la jeune mère l’influence qu’elle eût pu espérer ; et comparée à la vie mouvementée des princesses de nos jours, son existence manquait de variété ; sa nature prime-sautière, avide du plaisir, étouffait dans une atmosphère toujours comprimée, souvent hostile. Aussi en 1686, accueillit-elle avec enthousiasme la proposition que lui fit son beau-père de le rejoindre à Venise. Ernest-Auguste s’y était rendu, accompagné de la comtesse Platen, ce qui ne choquait personne, pas même la duchesse Sophie, qu’il laissait à la tête des affaires. Fatiguée de l’étiquette maussade et des basses intrigues de la Cour de Hanovre, Sophie-Dorothée se jeta avec l’impétuosité de son caractère dans une vie de fêtes continuelles, tant à Venise qu’à Rome. Parmi les étrangers qu’elle rencontra était un Français, le marquis de Lassay[1] qui, s’il faut l’en croire, tomba amoureux de la jolie princesse et le lui déclara en termes enflammés. Il est fort possible que Lassay se soit vanté à tort de sa conquête ou que Sophie-Dorothée, très coquette, ait ébauché avec le gentilhomme français, presque son compatriote, ce qu’au XXe siècle on appellerait un « flirt » sans importance. En tout cas ; cette intrigue, si intrigue il y eut, ne tira pas à conséquence et la pauvre mémoire de notre héroïne, si compromise par Königsmarck, ne l’est aucunement par les vantardises du vaniteux Lassay.

Les jours ensoleillés de son séjour en Italie furent les derniers d’un bonheur relatif pour Sophie-Dorothée, car on ne peut

  1. Armand de Madaillan, marquis de Lassay, mourut en 1787 (voyez Gens d’autrefois, par Pierre de Ségur, 1903).