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Par suite des circonstances, tenant, sans doute, à la hâte de la vie publique en France pendant la période de fondation de la Troisième République, ces tractations, si utiles, avec la puissance voisine, avaient été, depuis longtemps, négligées. On ne « causait » plus. Les motifs de dissentiment se multipliaient, les malentendus s’aggravaient dans l’échange pédantesque de notes de chancelleries, quand les visées coloniales françaises et le réveil de l’Impérialisme anglais, agitant soudain tous les vieux litiges, créèrent, partout, un état d’irritation ou de « friction, » auquel il fallait parer, sous peine d’exposer les relations cordiales des deux pays au caprice des événemens.

Amener l’Angleterre à négocier ; négocier de bonne foi, avec la volonté arrêtée de soutenir fermement les revendications françaises, mais aussi de sacrifier beaucoup à l’entente ; entourer le partenaire dans un cercle de droits évidens et de faits précis ; se proposer pour but une liquidation générale, compensant, au besoin, les solutions l’une par l’autre ; travailler, par cette liquidation, à l’union des deux politiques sur un pied d’honneur réciproque et de dignité équitable, telle fut la méthode adoptée, tel fut le but poursuivi par la France avec une persistance qui ne fut pas sans causer un certain embarras chez la partie adverse. Pour l’Angleterre, consentir à discuter, c’était se limiter. On ne s’y prêta pas du premier coup.


Les litiges, pendans alors entre les deux pays, se précisaient ainsi qu’il suit : en Tunisie, le protectorat français était gêné par les traités de commerce et d’établissement, dont un seul sans durée déterminée, celui que les Beys avaient passé avec l’Angleterre ; or, l’opposition de cette puissance à l’abolition des traités était formelle et appuyait colle de l’Italie. A la côte occidentale d’Afrique, c’était un enchevêtrement de difficultés à propos de la Gambie, de Sierra Leone, de Libéria, du pays de Kong, de la Nigeria ; autres conflits aigus au sujet de la navigation du Niger et de la Benoué (affaire Mizon), au sujet de la ligne Say-Barroua et des territoires du Tchad. Dans le centre de l’Afrique, rivalité au Congo et dans le Haut-Oubanghi. Au Sud, concurrence non moins périlleuse à Madagascar : malgré l’engagement pris, en 1890, de reconnaître le protectorat de la France « avec ses conséquences, » l’activité passionnée des missionnaires et des aventuriers anglais, un vague appui toujours attendu de Londres