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Kimberley est un titre d’une telle autorité qu’il dissipe bien des obscurités. La France était dans son droit strict, quand elle soutenait sa réclamation connue désormais et acceptée, comme telle, par l’Angleterre ; les déclarations de sir Edward Grey ne pouvaient lui être opposées comme décisives, dans l’avenir.

La thèse française, ce n’était pas, comme on l’a dit, par une erreur fondamentale, le droit du premier occupant ; elle ne se renfermait pas, non plus, dans la défense pure et simple des droits du Sultan et du Khédive ; elle constatait ce qui existait en fait, une situation complexe et embrouillée, admettait qu’il y avait lieu de l’examiner de bonne foi, au mieux des intérêts de tous et dans un esprit de concorde. En attendant, chacun conservait sa liberté.

C’était une main tendue en réponse au geste si raisonnable de lord Kimberley, une base d’entente future, mais, aussi, une affirmation du droit, que revendiquait la France, de chercher, dans ces régions, les élémens d’une situation de fait ou d’une tractation avantageuse, sans qu’aucun hands’off ! pût lui être opposé. C’était une manifestation nouvelle de cette politique de conciliation et de réglementation générale avec l’Angleterre qui a été (on le voit maintenant) l’objectif principal de la diplomatie française dans cette phase difficile des relations entre les deux pays.

Le droit territorial africain, l’équilibre africain n’étaient pas faits. Ils se cherchaient dans la confusion des prétentions rivales et des événemens en voie de s’accomplir. Toutes les puissances étaient engagées à la suite de leurs explorateurs, dans cette « course au clocher » entre les missions qui étaient le sport héroïque de cette époque ; la terre s’agrandissait sous les pas de ceux qui pénétraient ses plus lointaines retraites et qui posaient, sur des contrées ignorées, les premiers jalons de la civilisation et des nationalisations futures. La formule : « A chacun selon ses œuvres » était acceptée, de toutes parts, et servait de base à toutes les transactions ; il n’y en avait pas d’autres qui fussent applicables dans les débats territoriaux qui se poursuivaient, par ailleurs, entre la France et l’Angleterre, et cette dernière puissance n’avait en somme pas d’autre titre à la durée de son occupation en Egypte. Cette formule un peu empirique, il est vrai, mais utile, était consacrée, une fois de plus, par les explications auxquelles le discours de sir Edward Grey avait donné lieu entre les deux gouvernemens.