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I

Les journaux du soir du 28 décembre dernier donnaient à Paris ces deux dépêches :

« Monteleone (Calabre), le 28 décembre. — Ce matin à 5 h. 20 un violent tremblement de terre a été ressenti ici et dans les communes voisines. Il a causé de graves dégâts.

« Rome, le 28 décembre. — M. Giolitti a envoyé deux fonctionnaires dans la province de Catanzaro pour constater les pertes à la suite du tremblement de terre ; il a donné vingt mille francs pour les premiers secours. »

Malgré la rapidité de nos procédés modernes d’information, il faut reconnaître que ces renseignemens étaient singulièrement incomplets, puisqu’il s’agissait de la ruine complète de Messine, de Reggio et d’une foule d’autres localités, où les victimes faites en quelques secondes se chiffraient par cent mille !

À ce dernier point de vue, les reporters se sont accordés pour déclarer le désastre « sans précédent ; » et, en compulsant les documens, il semble bien qu’ils aient eu raison. Tout au plus, cite-t-on le cataclysme de 526, sous l’empereur Justin Ier, qui, à peu près dans les mêmes régions, aurait fait périr de 120 000 à 200 000 personnes. D’ailleurs, ce n’est pas seulement par le nombre des morts, c’est aussi par les misères effroyables, les angoisses de toutes sortes infligées aux sinistrés que la crise sicilienne a éveillé notre pitié. Sans faire, à l’exemple du professeur Lombroso, la psychologie des tremblemens de terre, il est nécessaire d’en noter quelques traits.

Peut-être ici suis-je autorisé à apporter mon témoignage : j’ai subi, en effet, en février 1887 un tremblement de terre dont le souvenir demeure, car il a ravagé les côtes de la Ligurie, écrasant trois cents habitans sous les ruines de Diano Marina, dévastant Noli et Menton, crevassant les maisons et tuant quelques personnes à Nice même où je me trouvais. L’impression éprouvée quand on sent le sol se dérober est indéfinissable et creuse dans l’entendement un vide que rien ne saurait combler. L’illustre Humboldt, dans la relation de ses voyages dans l’Amérique du Sud, a cependant tenté une description pleine de couleur :