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M. Jaurès avait fait tant de bruit. Ce rapport ne traite pas seulement de questions militaires, il parle aussi de questions politiques et même diplomatiques. Le gouvernement seul est à même de savoir s’il y a, ou non, des inconvéniens à le rendre public : M. Pichon a déclaré qu’il y en avait et que, aussi longtemps qu’il serait ministre, le document ne serait pas publié. La Chambre, en effet, n’a pas à juger les opinions du général Lyautey : ses actes seuls lui appartiennent parce qu’on peut être sûr qu’ils sont conformes aux instructions qu’il a reçues. Le général Lyautey est un soldat trop discipliné pour qu’il en soit autrement. M. le ministre des Affaires étrangères était dans le vrai lorsqu’il a revendiqué pour le gouvernement le secret de ses informations et la liberté de ses résolutions, le tout sous sa responsabilité. La Chambre n’avait d’autre droit que de l’interroger sur sa politique : elle l’a fait, et il a répondu très loyalement.

Il y a deux questions principales aujourd’hui au Maroc, celle de la Chaouïa et celle de la frontière algérienne. En ce qui concerne la première, l’évacuation la plus prompte sera la meilleure, car nous n’avons plus rien à faire dans la Chaouïa, et nous y usons inutilement nos forces. Cette opinion, que nous avons plus d’une fois soutenue, n’est pas seulement la nôtre, c’est aussi celle de M. Pichon. Il a rappelé que, depuis quelques mois, nous avons déjà retiré de la Chaouïa la moitié de notre corps expéditionnaire, et il a promis de continuer ce mouvement de retraite au fur et à mesure que le Sultan serait à même d’assurer le maintien de la sécurité que nous avons créée. Le rappel même du général d’Amade, qui a bien rempli sa mission et que le gouvernement, comme marque de sa satisfaction, a décoré de la médaille militaire, montre que les opérations sont regardées comme terminées. Peu à peu, nous rapprocherons nos troupes de la mer et, finalement, nous les embarquerons ; mais cela ne peut pas être fait en un jour, et M. Jaurès aura sans doute quelquefois encore l’occasion de demander où en est l’évacuation.

Sur la frontière algérienne, la situation est plus complexe. La France y a des droits et des devoirs particuliers, qu’elle tient des traités passés avec le Maghzen ; elle n’entend ni manquer à ceux-ci, ni laisser péricliter ceux-là. Il est probable, ou plutôt il est certain que le rapport du général Lyautey traitait spécialement de cette question. Depuis quelques années, nous avons inauguré une politique nouvelle sur notre frontière, politique qui a des avantages et des inconvéniens : nous devons travailler à accroître les premiers et à atténuer les seconds. Il n’y a que des avantages à développer la