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amitiés, il arriva que le marquis Ito vint en Europe en quête d’une alliance et d’un emprunt : à peine écouté à Paris, éconduit à Pétersbourg où on lui marchanda quelques millions, le ministre japonais s’en fut à Londres où, en quelques jours, l’alliance fut conclue. C’était, pour l’Angleterre, une assurance contre le péril russe en Asie, une garantie de sécurité pour ses possessions du Pacifique et son commerce en Chine. On sait quelles furent les suites et comment la Russie, vaincue en Mandchourie, allait, quelques années plus tard, se rapprocher de l’Angleterre.

La crise qui portera le nom de Fachoda, — dont l’histoire vient d’être magistralement écrite ici même par M. Hanotaux, — et le traité qui s’ensuivit, ont achevé de vider entre la France et l’Angleterre le dernier litige extra-européen. La question du Nil et du Bahr-el-Ghazal une fois réglée, le partage de l’Afrique était terminé, l’ère des rivalités coloniales close. L’Angleterre gardait les plus beaux morceaux de l’Afrique, mais la France s’y était, malgré sa rivale, taillé un empire assez vaste pour que, de part et d’autre, on pût oublier cent années de rivalité coloniale et même les violences de la dernière crise. Le moment était venu d’un rapprochement. La France le comprit au même moment où le roi d’Angleterre cherchait des amitiés continentales. Les premiers pourparlers commencèrent à Londres avec notre ambassadeur, M. Paul Cambon. Nous n’avons pas à raconter ici ces négociations. Edouard VII, le 1er mai 1903, arrivait dans ce Paris qu’il connaissait si bien ; il fut accueilli sans enthousiasme, mais avec satisfaction et déférence ; il fit preuve d’un tact qui acheva de lui conquérir l’opinion : il venait en roi, mais aussi en ami. Moins d’un an après (8 avril 1904), des accords étaient signés qui liquidaient définitivement, les derniers restes d’une longue concurrence coloniale et qui scellaient le rapprochement. On sait comment l’Angleterre renonçait en notre faveur à toute ambition politique au Maroc et nous y reconnaissait des droits particuliers. Quelques mois après, par un accord conclu avec le concours de la diplomatie britannique, la France et l’Espagne s’entendaient pour délimiter les zones où s’exercerait leur influence au Maroc. Un précédent accord avec l’Italie avait achevé d’apaiser entre les deux pays les rivalités méditerranéennes et fondé « la paix latine. »

Ainsi la diplomatie, prudente et résolue à la fois, du roi