Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
POÈSIES

TRILOGIE DE LA PATRIE


MES PATRIES[1]


Je suis déraciné… car j’ai mille patries.
J’aime d’un fol amour terres et ciels divers ;
En moi chante un essaim d’âmes endolories
Dont le désir frémit d’embrasser l’univers.

Car je t’aimais, enfant, Norvège glaciale,
Et la tristesse humaine en tes fiords m’a conduit.
Sur tes neiges j’ai vu l’aurore boréale
De sa rose céleste envelopper ta nuit.

L’Italie a mon cœur : — Florence est toujours belle
Et Venise à sa mer d’opale rit toujours ;
Au somptueux décor de la Ville Éternelle,
L’âme avec volupté roule tous ses amours.

La Grèce a mon désir. — Delphe, Eleusis, Athènes,
Par vos temples toujours mon esprit est hanté ;
Car en vous seuls, de leurs demeures surhumaines
Sont descendus les Dieux vivans et la Beauté.

L’Egypte est la science en pierres ramassée, —
Elle nous fixe encor avec ses yeux de lynx.
Lasse du temps qui change et trompe, — la pensée
Revient s’asseoir aux pieds de l’immuable Sphinx.

  1. Ces poésies font partie d’un recueil de poèmes que M. Edouard Schuré publiera prochainement (chez Perrin) sous le titre : l’Ame des temps nouveaux. Ce volume, formant un tout achevé dans un développement continu, se divise en cinq parties : I. Cris de désir. — II. Roses d’antan. — III. A la Muse. — IV. Les Lutteurs. — V. Lucifer et Psyché.