Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« Moi, sur mon cheval noir, sombre et grave amazone,
Je cherchais les sentiers perdus de l’au-delà.
Parfois, sur un pic nu, nous touchions à la zone
Des ombres, que dans l’air emporte un noir cyclone,
Des ombres que l’espace et son gouffre affola.

« Mais, courant devant nous dans les herbes fleuries
Le cheval blanc montrait son des rose et vermeil.
Son œil de feu parlait des sublimes patries,
Où les âmes, moissons de fleurs endolories,
S’entr’ouvrent aux Dévas qui tombent du soleil.

« Et, gagnant les sommets où l’esprit s’irradie,
Nos regards contemplaient les terres et les cieux.
Et puis, sentant en nous rouler leur mélodie,
Nous frissonnions devant l’immense tragédie
D’où sortent les vivans, les hommes et les Dieux !


«… Mais regarde !… Regarde autour de toi, poète.
Les hommes ont perdu les routes du Divin.
Ils ont conquis la terre et pesé la planète,
Ils calculent au ciel le sillon des comètes,
Mais leurs yeux aveuglés cherchent les Dieux en vain

« Ils ne connaissent plus leur céleste origine…
L’âme qui se renie a perdu la beauté.
Ils n’adorent que l’or, le fer et la machine
Et sous son grincement hideux courbent l’échine
D’un peuple de souffrans qui se lève irrité.

« L’univers radieux leur semble une fabrique,
Ils mettraient à l’encan l’Océan et les ciels.
Leur simiesque armée, au rire sardonique,
Coupe en petits morceaux ce monde magnifique,
A force d’alambics, de pinces, de scalpels.