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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/240

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turque soulevée par l’annexion de l’Herzégovine et de la Bosnie. On sait que la Porte a accepté le principe d’une indemnité pécuniaire, dont le chiffre a été fixé. C’est pour l’Europe une préoccupation de moins, mais c’est la seule dont elle soit délivrée. Une question du même ordre est posée entre Constantinople et Sofia. Où en est-elle ? L’ingénieuse proposition, faite par la Russie de se substituer à la Bulgarie pour le règlement des indemnités pécuniaires, et d’user pour cela des facilités que lui donne sa qualité de créancière de la Turquie, a-t-elle été acceptée ou non ? Elle semblait l’être hier ; elle semble ne l’être plus aujourd’hui. Les dépêches ne nous ont pas encore apporté à cette question une réponse définitive. Un incident s’est produit qui, malgré toutes les précautions prises pour lui donner le moins d’importance possible aux yeux du gouvernement ottoman, n’en a pas moins produit sur lui un effet assez pénible : pouvait-il en être autrement ?

Le prince, ou, si l’on veut, le roi, le tsar Ferdinand de Bulgarie était en Autriche lorsque le grand-duc Wladimir est mort à Saint-Pétersbourg. Le grand-duc était populaire en Bulgarie ; il avait pris part, il y a trente ans, à la guerre qui a affranchi ce pays ; aussi le prince Ferdinand avait-il une assez bonne raison d’assister à ces funérailles. Il s’en est emparé aussitôt, poussé, a-t-il dit, par une « pensée pieuse, » mais peut-être aussi par cet instinct politique qui l’a heureusement servi dans plus d’une circonstance. Il n’a pas exprimé un désir qui aurait pu être bien ou mal accueilli, mais l’intention de se rendre à la cérémonie funèbre, et il l’a exécutée sur-le-champ. Le gouvernement russe a dû prendre une résolution délicate et rapide. Refuser de recevoir le prince et l’inviter à rester où il était aurait été regardé par la nation bulgare comme un mauvais procédé, peut-être comme une injure. D’autre part, recevoir le prince en roi, puisqu’il se dit tel, devait être interprété à Constantinople comme une reconnaissance de l’indépendance bulgare, et par conséquent offenserait la Porte au moment même où on négociait avec elle. Le prince se rendait fort bien compte de l’embarras qu’il causait au gouvernement russe, mais il s’en souciait peu et voulait précisément lui forcer la main. Le gouvernement russe se l’est laissé forcer. Il a reçu Ferdinand de Bulgarie, et l’a reçu en roi ; mais il a eu soin de faire savoir à Constantinople que cette démarche de sa part n’indiquait nullement qu’il reconnût l’indépendance de la Bulgarie : cette reconnaissance ne pouvait être faite que d’accord avec les autres puissances signataires du traité de Berlin, et restait subordonnée à l’arrangement financier qui était l’ob-