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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/368

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Six années plus tard, en 1801, ce prince, encore adolescent, était, à l’improviste, appelé au trône par la fin tragique de son père, l’empereur Paul Ier. Il régna jusqu’en 1825, date de sa mort, et sa femme lui survécut durant quelques mois.

Au début du long règne d’Alexandre Ier, tout souriait à la nouvelle impératrice ; l’avenir s’offrait à elle prodigue de brûlantes promesses ; mais il ne devait pas les tenir. Elle ne tardait pas à se voir délaissée par son époux, et cette disgrâce imméritée avait pour conséquence de la condamner, au milieu de la Cour, à une sorte d’isolement, dont elle ne cessa de souffrir autant que de n’être plus aimée, alors qu’elle aimait encore comme au moment de son mariage. Maltraitée ainsi par la destinée, incomprise des contemporains, elle était presque oubliée quand elle mourut.

L’injustice dont, vivante, elle avait été victime et qui, longtemps, a pesé sur sa mémoire, appelait une réparation. De nos jours, un prince de la famille impériale de Russie, le grand-duc Serge Alexandrovitch, résolut de l’entreprendre et d’écrire à cet effet la biographie de l’impératrice Elisabeth. Il avait même commencé à en réunir les élémens, lorsqu’il périt à Moscou. Sa mort est un des plus douloureux épisodes de l’histoire russe en ces derniers temps. C’est alors que la tâche qu’il n’avait pu remplir fut confiée, par sa veuve, au grand-duc Nicolas Mikaïlovitch.

Jamais désignation ne fut plus justifiée. Elle l’était deux fois, d’abord par les services que le grand-duc Nicolas a rendus à la science historique en facilitant aux savans l’accès des Archives impériales de Russie et en publiant, en des collections du plus haut prix, toute une suite de documens importans qu’il en avait exhumés ; ensuite par le talent d’écrivain dont il a témoigné dans les livres qui portent son nom et notamment dans la longue et suggestive étude consacrée par lui à l’un des conseillers d’Alexandre Ier, le comte Stroganoff, — ouvrage remarquable et révélateur que j’ai présenté, il y a trois ans, aux lecteurs de la Revue[1].

Ayant accepté la mission confiée à ses soins, le grand-duc Nicolas ne s’est pas contenté d’utiliser les pièces recueillies par le grand-duc Serge. A celles-là, il en a ajouté beaucoup d’autres

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1906.