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Et ce beau geste aura une importance historique considérable. Il clôt la barbarie, inaugure le progrès, annonce la Révolution. Telle avait été jusqu’ici notre erreur : nous avions négligé de faire remonter à Héraklès les origines de la Révolution française.

Après cela, vous avouerai-je qu’il m’a été difficile de prendre au reste de la pièce le même intérêt ? C’est ce qui arrive quand le drame a atteint son point culminant : ce qui suit semble forcément un peu languissant. Pourtant nous n’avons fait encore qu’entrevoir un des personnages essentiels, celui, après Héraklès, auquel l’auteur tient le plus : c’est la dame voilée. C’est lui maintenant qui va s’emparer du drame. On peut dire que les deux derniers actes lui appartiennent, Lyssa nous conte abondamment son histoire. Ne vous attendez pas que cette histoire soit claire comme eau de roche ; elle est au contraire un peu trouble, ainsi qu’il convient pour un personnage qui doit rester mystérieux et accomplir l’œuvre toujours obscure du Destin. J’ai cru comprendre que cette femme fatale devait être l’âme damnée des prêtres, une personne complaisante dont les ministres du culte se servent pour venir à bout d’énergies redoutables. C’est la Dalila qu’on embusque sur la route de tous les Samsons. Il n’était que temps. Héraklès allait découvrir le grand secret. Elle a paru : comme le docteur Faust, le tueur de monstres a donné toute la sagesse du monde pour un soupir de volupté. Aux deux derniers actes, Lyssa travaille avec une persévérance et une sournoiserie diaboliques à troubler le ménage d’Héraklès. Elle y réussit complètement : affolé par elle, le héros tue sa femme, et il est sur le point de tuer ses enfans, quand on l’emporte furieux et écumant. Pauvres petits ! Tout à l’heure menacés du bûcher par Lycos, maintenant en danger d’être assassinés par leur père. Dans les querelles de ménage, ce sont toujours les enfans qui pâtissent.

Tel est ce drame à costumes antiques et à idées modernes. De toute évidence il faut, après en avoir suivi la marche et résumé l’action, en rechercher le sens qu’il ne peut manquer d’envelopper. Comme les religions antiques elles-mêmes, il comporte un enseignement caché qui échappe aux profanes, et auquel il convient de nous initier. C’est ici qu’il ne faut pas s’en tenir à l’apparence. Il faut briser l’os et en tirer la substantifique moelle. Le drame est tout imprégné de philosophie, et c’est cette philosophie qui importe. Engageons-nous dans la forêt des symboles.

Le premier de ces symboles n’est autre que l’allégorie cent fois reprise par l’antiquité : Hercule au carrefour de deux routes,