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télégraphier à Benedetti « d’aller voir le prince de Hohenzollern, afin de l’engager à se retirer pour conjurer les maux que sa candidature rendait inévitables (8 juillet, une heure du matin). » L’Empereur, dont la sensibilité avait été blessée au vif par les procédés félons d’une famille aussi affectueusement favorisée par lui, ne permit pas cette démarche. Il avait trouvé tout naturel, comme l’avait demandé Gramont à Lyons et à Metternich, que des neutres, de leur propre initiative, essayassent d’obtenir du prince sa retraite, et il avait lui-même envoyé Bartholdi pour le suggérer à Serrano ; il s’opposa à ce qu’on demandât directement aux Hohenzollern quoi que ce fût en son nom. Dès que la dépêche à Benedetti eut été placée sous ses yeux, il écrivit à Gramont : « Mon cher duc, j’ai reçu vos dépêches. Je ne crois ni utile, ni digne de ma part d’écrire au roi de Prusse, ni aux princes de Hohenzollern. Même je trouve que vous ne deviez pas dire à Benedetti d’aller trouver le prince. C’est à la Prusse, et à elle seule, que nous avons affaire. Il n’est pas de notre dignité d’aller implorer une rétractation du prince. Je vous prie donc de donner à Benedetti contre-ordre à ce sujet. Il ne faut pas que Benedetti croie que la guerre ne serait pas dans le sentiment national. » Gramont télégraphia aussitôt à Benedetti (9 juillet) : « Il ne faut pas voir le prince Hohenzollern ; l’Empereur ne veut faire aucune démarche auprès de lui. »

Sur ces entrefaites, Olozaga vint spontanément proposer de tenter lui-même auprès des Hohenzollern l’effort que l’Empereur considérait comme interdit à sa dignité, mais qu’il eût été enchanté de voir tenter par d’autres. Olozaga, froissé qu’une négociation aussi capitale eût été suivie sans qu’il y eût été mêlé, ne se résignait pas à ce qu’on réglât les destinées de son pays à son insu ; il avait le désir de prouver qu’il n’était pas aussi facile qu’on le croyait de se passer de son concours et il brûlait de rendre à Prim ce qu’il en avait reçu. De plus, la France et l’Empereur lui inspiraient une sincère sympathie, et il eût été heureux de leur épargner les hasards d’une terrible guerre. Tout en ruminant, il en vint à croire qu’il pourrait, par l’intermédiaire de Strat, agent de Roumanie, homme actif, avisé, intelligent, en crédit auprès de la famille Hohenzollern, amener Léopold à cette renonciation, que toute la diplomatie européenne allait poursuivre probablement en vain. Il le manda d’urgence dans la nuit. Strat le trouva à quatre heures du matin se promenant