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fondement : Scarron se louait fort de ses arrangemens avec son éditeur Quinet ; Courbé, confrère du précédent, agent général des auteurs illustres du XVIIe siècle, fut l’exécuteur testamentaire de plusieurs et se chargeait durant leur vie de la poursuite de leurs affaires.

Sous Louis XV, les encyclopédistes et les philosophes savaient très bien presser l’éponge et tirer de leurs livres le maximum de rendement. Si ce rendement n’est pas plus élevé, on en sait la cause, c’est que le débit était restreint et, parmi les libraires eux-mêmes, depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’à la Révolution, il ne se fit pas de grandes fortunes : les plus chanceux, depuis Ulrich Gering et Mentel de Strasbourg jusqu’à Jean-Baptiste Coignard III et Charles-Joseph Panckoucke, ne dépassèrent pas une large aisance. Encore les profits de ce dernier vinrent-ils surtout du journalisme.

L’achat ferme des manuscrits par les libraires fut seul en usage jusque vers 1850 ; les risques, bons ou mauvais, leur étaient réservés. Quand la vente était assurée, le libraire se montrait généreux : le Règlement des pensionnaires et les Heures étaient payés au Père Croiset, jésuite du collège de Lyon, 6 000 francs, — beaucoup plus cher que la Nouvelle Héloïse, — sans doute parce que l’acquisition de ces manuels était obligatoire pour les élèves. Au commencement du XIXe siècle, l’éditeur de livres scolaires donnait 15 francs la feuille in-12, c’est-à-dire 300 francs au plus des volumes qu’il commandait ; de nos jours, un auteur de géographies, très achalandées dans les écoles, a touché durant un quart de siècle 30 000 francs de droits par an. C’est que depuis soixante ans ces droits sont devenus proportionnels, d’abord au nombre des éditions, puis au chiffre des exemplaires. Ceux-là seuls rapportent donc qui se tirent à gros chiffres, c’est-à-dire qui s’adressent à la foule, et ceux-là ne peuvent être que des livres d’éducation, de récréation ou de dévotion.

À ces derniers appartiennent sans conteste les plus gros succès : il n’y a pas de grammaires ou de romans qui se soient vendus autant que tels ouvrages de piété : Les pratiques de l’amour envers Jésus-Christ, tirées des paroles de saint Paul, par saint Alphonse de Liguori, ont eu deux ou trois éditions par an depuis 1831 jusqu’à ce jour ; quant aux Visites au Saint-Sacrement et à la Sainte Vierge, du même auteur, traduites en