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aux administrateurs, qui condamnent chaque année à la prison ou à l’amende 4 pour 100 de la population adulte mâle pour des faits tels que retard dans le paiement de l’impôt, dissimulation de la matière imposable, habitation isolée non autorisée, tapage et scandale sur les marchés. Des condamnations sont prononcées pour réclamations non fondées. Un indigène, même notable, ne peut sortir de la commune sans permission. Singulière méthode éducatrice et conciliatrice ! Ce n’est pas en tenant nos sujets ainsi asservis et sans droits que nous ferons disparaître le fossé qui nous sépare. En vain objecterait-on d’ailleurs qu’en ne réprimant pas ces actes par une procédure sommaire et instantanée, on risquerait de troubler gravement l’ordre public. On ne voit pas en quoi la plupart de ces actes sont inconciliables avec l’ordre public, et quant à ceux qui peuvent fournir matière à une légère répression, l’argument porte aujourd’hui moins que jamais. Ne vient-on pas d’assurer une répression prompte, simple et peu coûteuse par le décret du 29 mars 1902, qui a institué au chef-lieu de chaque justice de paix un tribunal chargé de juger les délits commis par les indigènes ? Pourquoi dès lors maintenir l’autorité répressive des administrateurs ?

En résumé, dès maintenant, et comme entrée en matière de la politique indigène, nous devons traiter nos sujets musulmans avec plus de justice et de bienveillance que nous n’avons fait par le passé. Par plus de justice, on entend que l’on cesse de les dépouiller de leur patrimoine par le système des expropriations forcées ou amiables, par la création des centres de colonisation et des licitations abusives, qu’on supprime la responsabilité collective des douars, qu’il soit attribué une part proportionnelle aux impôts qu’ils paient, que les prestataires ne soient pas contraints d’aller à plusieurs jours de chez eux faire des chemins dans les centres européens, que la jouissance de leurs communaux ne soit pas enlevée aux douars, que le service des forêts respecte leurs droits d’usage. Par plus de bienveillance, on entend que notre domination ne se fasse pas connaître, non seulement par des corvées, des impôts et des exigences de toutes sortes, mais qu’elle leur fournisse la direction fraternelle dont ils ont besoin ; et pour cela, qu’elle s’occupe de multiplier parmi eux les institutions de prévoyance, d’améliorer leur agriculture, de relever certaines industries pour lesquelles ils peuvent entrer en concurrence sur le marché international, de répandre