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vie. » Toute pièce de théâtre était alors conçue, selon la formule qu’Aristote venait d’énoncer dans sa Poétique, comme quelque chose de complet en soi, ayant un commencement, un milieu et une fin. En d’autres termes, on y voulait une action bien définie, résultant de données antérieures plus ou moins complexes, et aboutissant, à travers une ou deux péripéties, à un dénouement.

Certains types d’actions ainsi conçues s’étaient constitués peu à peu et tendaient à s’imposer, non sans quelque inconvénient. Ni tragédie, ni comédie ne pouvait guère passer pour bien faite sans un éclaircissement final, appelé par les théoriciens « reconnaissance ; » et, par conséquent, elle devait prendre pour point de départ une méprise, un malentendu, une dissimulation, un fait ignoré ou tenu secret. Les tragédies qu’on jugeait les plus belles étaient celles que les maîtres du Ve siècle avaient construites d’après ce principe. L’Œdipe-roi de Sophocle en demeurait comme le modèle incomparable. L’Iphigénie en Tauride, le Kresphonte, l’Antiope d’Euripide, et beaucoup d’autres chefs-d’œuvre du même poète, toujours admirés et applaudis, l’avaient popularisé. L’application, il est vrai, en était plus difficile à la comédie qu’à la tragédie. Celle-ci, vivant de légendes lointaines, s’affranchissait plus librement des vraisemblances ordinaires. Avec des dieux et des héros pour personnages, tout semblait possible ou même naturel. La comédie, au contraire, était attachée à la réalité contemporaine. Comme elle se faisait même un mérite de s’en rapprocher alors de plus en plus, elle semblait par-là s’engager à ne mettre sur la scène que des événemens de la vie courante. Or les drames domestiques fondés sur des méprises et des reconnaissances ne devaient pas être beaucoup plus ordinaires alors, à Athènes, qu’ils ne le sont chez nous. Mais le public athénien n’y regardait pas de trop près. Sous l’influence de la tradition, il paraît avoir préféré le plaisir qu’il tirait de ces combinaisons amusantes et ingénieuses à celui d’une vraisemblance plus scrupuleuse. Aucun de ses poètes n’osa le contrarier à cet égard. Ménandre fit comme les autres.

L’action, dans ses pièces, est presque toujours censée se passer en Grèce, de préférence même à Athènes ou dans les environs. Les personnages qui y prennent part sont tout semblables aux spectateurs qui les regardaient jouer leur rôle : ce sont des Grecs de la fin du IVe siècle, de toute condition et de tout âge.