Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/887

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attache mondaine. Elle n’eut pas de peine à se laisser convaincre par l’âpre logique passionnée de Blaise. « Comme elle avait beaucoup d’esprit, nous dit Mme Perier, dès que Dieu lui eut tourné le cœur, elle comprenait comme mon frère toutes les choses qu’il disait de la sainteté de la religion chrétienne. » La mère Angélique avait désormais une fille de plus.


II

À la fin de l’année 1646, Jacqueline se prépara à la confirmation, qu’elle n’avait pas encore reçue, par la lecture des traités de Saint-Cyran. « L’on peut croire, écrit Mme Perier, qu’elle y reçut véritablement le Saint-Esprit, car depuis cette heure-là, elle fut toute changée. Toutes ces lectures et tous ces discours firent une si forte impression dans son cœur, que peu à peu elle se trouva à la fin de l’année 1647 dans une résolution parfaite de renoncer au monde. »

Peu après, ayant accompagné à Paris son frère « qui avait besoin d’y être pour ses indispositions, » elle alla souvent avec lui entendre M. Singlin, l’admirable directeur de Port-Royal. « Et voyant, ajoute Mme Perier, qu’il parlait de la vie chrétienne d’une manière qui remplissait tout à fait l’idée qu’elle en avait conçue depuis que Dieu l’avait touchée, et considérant que c’était lui qui conduisait la maison de Port-Royal, elle crut dès lors, comme elle me l’a dit en propres termes, qu’on pouvait être là-dedans religieuse, raisonnablement. Elle communiqua cette pensée à mon frère qui, bien loin de l’en détourner, l’y confirma, car il était dans les mêmes sentimens. Cette approbation la fortifia de telle sorte que depuis ce temps-là elle n’a jamais hésité un instant dans le dessein de se consacrer à Dieu. » Il y aura dans la vie morale de Blaise et dans son évolution religieuse des reprises, des hésitations, des retours en arrière, des momens d’oubli, et de divertissement ; le drame intérieur de sa conversion sera plus dispersé et plus complexe ; il faudra que par deux fois Dieu frappe à la porte de son âme pour la déterminer à le suivre. Rien de tel dans Jacqueline. Moins mobile, moins nuancée peut-être et moins diverse, plus simple et plus logique, plus « raisonnable, » comme elle eût dit sans doute, du jour où la vérité de sa vocation lui apparut clairement, elle consomma sans coup férir le don absolu d’elle-même, et dans la voie étroite, mais