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l’historien anglais, — il est sûr que le document du 7 juin 1431 ne formera pas un obstacle à la canonisation de la Pucelle, si, par ailleurs, son Eglise la juge digne d’avoir son pur et glorieux nom inscrit sur la liste des saints. »

L’unique trait de son caractère qui, d’après M. Lang, distinguerait Jeanne de ces saints parmi lesquels l’Eglise va l’inscrire serait sa simple, franche, et charmante gaîté, le sourire lumineux que nous voyons flotter sur ses lèvres, depuis ses premiers entretiens avec Jean de Metz jusqu’à ce touchant dialogue avec le docteur Pierre Maurice, le matin de son exécution : « Maître Pierre, devinez où je serai ce soir ! — N’avez-vous pas bonne foi dans le Seigneur ? — Si fait, maître Pierre, et de par Sa Grâce je serai dans son Paradis ! » Mais, en vérité, le biographe anglais me paraît ici avoir étrangement oublié qu’une gaîté toute semblable s’exhale, pour nous, de chaque page de la Légende Dorée et des Fioretti. Le sourire des saints est, peut-être, l’un des attributs les plus communs à toute leur espèce ; et l’on est même frappé de découvrir à quel point la bonne humeur de Jeanne d’Arc est précisément celle que nous rencontrons, par exemple, chez un saint François d’Assise ou un saint Bernardin. Ces âmes profondément innocentes sont poussées par leur amour de Dieu à aimer d’une tendresse particulière la vie et le monde que Dieu a créés : sans compter que leur allégresse est encore une des formes de leur charité, un moyen qu’ils emploient, instinctivement, pour répandre autour d’eux la consolation. Combien les joyeuses chansons de la Pucelle et ses vives reparties, combien la lumière qu’elle dégageait ont dû contribuer à ranimer, dans les cœurs français, ce courage et cette confiance que des années de défaite y avaient amortis ! Par sa gaîté comme par sa compassion, l’humble paysanne lorraine a joué un rôle comparable seulement à celui de quelques êtres exceptionnels, que l’Eglise a promus au rang de ses saints : il est juste qu’à son tour elle les rejoigne, digne sœur des plus beaux et aimables d’entre eux.


V

Resteraient à examiner, au point de vue de l’histoire, les visions, pressentimens, et autres manifestations anormales que nous rapportent les biographes anciens de la Pucelle : M. Lang n’a pas cru pouvoir se dispenser de les signaler, et les pages