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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/150

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mots comme des obus, il ne se contentait pas de rendre la vie dure à M. Gladstone et même à son chef nominal, sir Stafford Northcote, il ouvrit un horizon à ceux qui, comme Arthur Balfour, s’étaient crus les derniers croyans d’un dogme qui finissait.

On donna, non sans une intention ironique, le nom de « quatrième parti » à la petite bande qui s’associa à lord Randolph pour créer un jeune torysme, en communication et en harmonie avec l’âme populaire et les besoins de la classe laborieuse. Mais cette appellation dérisoire devint un titre d’honneur lorsque leur œuvre eut réussi et que, grâce à eux, le parti Tory, qui n’était plus qu’un état-major sans soldats, eut, de nouveau, derrière lui une armée électorale, pleine de cohésion et d’enthousiasme. Comment ce résultat fut-il atteint ? Surtout, comme il arrive d’ordinaire, par les fautes de leurs adversaires. La profonde déconsidération du radicalisme bourgeois qui avait fait la réforme de 1832 et de ses diverses formules, libre-échange, paix à tout prix, etc., ne pouvait échapper plus longtemps à un observateur aussi pénétrant que l’était, sous sa mollesse apparente, Arthur Balfour. Le radicalisme des réformateurs de 1832 avait dépassé, en optimisme et en infatuation, tous les groupes sociaux qui, à diverses époques de l’histoire, ont cru tenir des principes immuables et apporter à la société une organisation définitive. Il avait promis au peuple l’extinction du paupérisme par le développement de l’industrie, et voici que le développement de l’industrie avait aggravé le paupérisme d’une manière effrayante. Il avait affirmé que l’Angleterre gagnerait à se séparer de ses grandes colonies d’outre-mer pourvu que, en cessant d’être ses sujettes, elles restassent ses clientes, et voici que le lien économique semblait prêt à se briser même avant que le lien politique fût rompu. De Jà une désillusion profonde et universelle dont le parti conservateur devait profiter en se montrant plus soucieux que ses rivaux et plus intelligent du bien-être des classes populaires, en leur faisant voir que le salut et Je progrès ne 1 viendront, pour elles, que de l’autorité, bien comprise et bien exercée, non de la liberté sans limites.

Beaconsfield avait indiqué comment on peut s’y prendre en s’appropriant les mesures les plus hardies, proposées par le parti adverse : la réforme électorale de 1867 avait servi d’exemple. Mais la démocratie conservatrice, avec Beaconsfield, n’avait guère été qu’une phrase : lord Randolph était décidé à