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Et quand elle eut, — puissant Dieu d’amour ! en ton nom ! —
Sur Orléans repris planté le fier pennon,
Elle courut à Reims, la guerrière idéale,
L’incliner triomphant devant ta cathédrale
Où le peuple des saints, dans la pierre sculpté,
Frémissait d’aise, à voir sa jeune sainteté…
La France alors, Seigneur, acclamait ta guerrière ;
Tes prêtres assemblés ne criaient pas arrière,
Et l’Étendard de Jeanne entrait dans ta Maison.

Maintenant elle est seule, oubliée, en prison,
Nuit et jour enchaînée à son lit de souffrance,
Elle, l’ange divin qui délivra la France !
Et c’est en l’outrageant que les trois « houspilleurs »
Lui portent l’eau d’angoisse et le pain de douleurs.



Son regard fixe a fait revivre devant elle
Les plus beaux souvenirs de sa gloire immortelle ;
Son propre cœur dans l’ombre éblouissait ses yeux ;
C’est fini !… Rien n’est plus, du passé merveilleux :
La grande vision brusquement s’est éteinte
Qui rayonnait tantôt, vivante et comme peinte,
Dans le cadre élargi des soupiraux étroits…
Plus rien… Le ciel du soir sous des barreaux en croix.



Alors, Jeanne a croisé ses mains sur sa poitrine :
— « O sainte Marguerite, ô sainte Catherine,
« Et vous, grand saint Michel, regardez mon tourment !
« Je vous ai bien toujours obéi bravement ;
« Ce que vous commandiez, je l’ai fait en son heure ;
« Dites si vous voulez maintenant que je meure,
« Ou si nos chevaliers pensent toujours à moi,
« Et s’ils me reprendront pour me rendre à mon Roi ?
«… Si l’on m’oublie, alors, grands saints en qui j’espère,
« Je veux garder encor les troupeaux de mon père…