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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/216

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continua de plus belle. En janvier 1907, plus d’un an et demi après le début du mouvement, un nouveau meeting décidait que le boycottage serait pratiqué à Canton plus rigoureusement que jamais et invitait les coolies à s’abstenir d’aller travailler à Panama pour une entreprise américaine. Le temps seul, et des événemens dont nous aurons à parler, finirent, tant bien que mal, par avoir raison de l’obstination patriotique des guildes cantonaises.

Canton fut et resta le principal centre de diffusion du mouvement. Dans les ports du Nord, l’influence plus proche du gouvernement central enraya la propagande anti-américaine dès son origine. Le boycottage ne dura à Tien-Tsin que quelques semaines et ne fut jamais très effectif. A Chang-Haï, au contraire, malgré l’influence des négocians européens jointe à celle du vice-roi, le mouvement continua et gagna les villes de l’intérieur. — A Pakhoï, ce furent des émissaires des comités de Canton et de Chang-Haï qui, le 11 septembre 1905, vinrent apporter le mot d’ordre aux guildes et sommèrent les négocians, d’abord récalcitrans, de se débarrasser des marchandises américaines ; comme approchaient les fêtes de la huitième lune, à l’occasion desquelles les Chinois mangent en famille un gâteau de farine, les meneurs répandirent le bruit que les farines américaines étaient empoisonnées et que manger des gâteaux traditionnels serait faire œuvre de mauvais patriote. — A Hoï-hao (île d’Haïnan), même scénario : ce sont les envoyés des guildes de Canton, qui, dans une grande réunion publique, le 17 septembre, provoquent le boycottage et décident les bonnes gens de la ville à sacrifier à la patrie les « gâteaux de la huitième lune. » — A Hankeou, la grande métropole commerciale du Yang-Tse, où les Américains ont des intérêts considérables, le mouvement s’étend dès la fin de juin et gagne les principales villes commerçantes de l’intérieur ; le commerce yankee subit des pertes énormes. — A Amoy on affiche, le 22 juillet, sous le sceau des guildes, un placard très caractéristique où il est expliqué que : « si les Chinois ne persévéraient pas dans la campagne vigoureuse entreprise contre les produits américains, rien n’empêcherait la Grande-Bretagne, la France, la Hollande et le Portugal de persécuter les Chinois à l’instar des Etats-Unis. »

Même hors du territoire de l’Empire, les négocians chinois s’associent au mouvement anti-américain ; jusqu’au Japon, en Indo-Chine et dans les Établissemens des Détroits, les