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marchandises ni un seul passager chinois. Pendant le premier semestre de 1907, le commerce japonais avec les ports de l’Empire du Milieu, y compris Hong-Kong, avait été de 68 800 000 yen ; il tombe, pendant le premier semestre de 1908, à 52 300 000 yen. Le gouvernement japonais, naguère si hautain, si exigeant, devient plus souple, plus accommodant ; comprenant enfin qu’il a fait fausse route, il cherche à ouvrir les voies à un rapprochement et à regagner la confiance des Chinois ; il va jusqu’à soutenir pécuniairement un négociant chinois de Kobé que le boycottage acculait à la faillite et à offrir, sans succès, 400 000 dollars au directeur de la Société municipale de Canton pour obtenir la levée de l’index. Ces bons procédés ne sont pas plus efficaces que les menaces : l’incident du Tatsu-Maru n’avait été qu’un prétexte à l’explosion du nationalisme chinois ; le but des patriotes était maintenant de créer une industrie nationale, afin de se passer le plus possible du concours onéreux des étrangers, Japonais ou Européens. La Société municipale de Canton s’organise dans ce dessein, avec l’appui secret des autorités locales : une compagnie d’assurances contre l’incendie est créée avec des capitaux et un personnel chinois ; une souscription est ouverte pour créer une compagnie chinoise de commerce et de navigation ; on décide la fondation d’une fabrique d’allumettes, d’une manufacture de tissus ; la guilde des pêcheurs, elle-même, dans son zèle patriotique, multiplie son activité, afin que la pêche chinoise puisse suffire à l’appétit chinois.

Si l’on a pu croire, après la guerre sino-japonaise, que les Nippons deviendraient les éducateurs de la Chine nouvelle, il n’est plus permis de conserver cette illusion : aujourd’hui, les réformistes et les patriotes chinois, avec l’appui secret du gouvernement, affirment leur particularisme intransigeant ; ils sont résolus à se passer des étrangers, quels qu’ils soient, et à développer par eux-mêmes les richesses et les énergies de la vieille Chine. De tous les étrangers, le plus dangereux c’est le plus proche : un excellent observateur, M. Robert de Caix, écrivant dernièrement de Chine au Comité de l’Asie française, notait « la baisse de l’influence japonaise dans le Céleste-Empire et la hausse de l’influence américaine. » Les Japonais ont profondément froissé le sentiment national chinois renaissant ; le boycottage de leurs marchandises n’a jamais complètement cessé et il recommence au moindre prétexte : en novembre 1908, des