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farine, n’est pas plus heureux : les portefaix bulgares ne consentent pas plus que les autres à enfreindre le mot d’ordre. Le 19, un bateau du Lloyd étant arrivé, le Consul général d’Autriche fait intervenir le grand rabbin qui réussit à faire commencer par ses coreligionnaires les opérations de déchargement ; à peine quelques ballots sont-ils à terre que surviennent des gens armés de bâtons qui font cesser le travail ; le vali, malgré sa promesse, s’abstient de faire intervenir la police. A partir de ce moment, le boycottage est définitivement organisé à Salonique, avec la complicité tacite du gouvernement et du Comité, et, jusqu’à la fin de la crise, il y est rigoureusement pratiqué.

De Salonique, le mouvement se propage à l’intérieur des vilayets macédoniens. A Uskub, la première ville importante turque que l’on rencontre après avoir franchi la frontière austro-hongroise, un télégramme de la Chambre de commerce ottomane de Salonique informe les négocians, le 13 octobre, qu’il a été décidé à l’unanimité d’annuler tous les contrats passés avec des fabriques autrichiennes et de refuser livraison des marchandises ; aussitôt on décide de s’associer au mouvement, et cette résolution est proclamée dans toutes les mosquées à l’heure de la prière. Une affiche est apposée sur les murs par les soins du Comité : en voici la traduction :


Appel du Comité Union et Progrès à la population ottomane d’Uskub.

A nos chers concitoyens, prière instante !

Tout homme de cœur et de conscience sait que la patrie est chose plus sainte, plus chère que la mère, le père, en un mot que tout au monde. Frères ! ceci n’a pas besoin d’explications. Aucun Ottoman ne pourra supporter que les Autrichiens et les Bulgares, en apparence amis du gouvernement constitutionnel que nous avons obtenu, mais au fond nos ennemis les plus traîtres, manifestent leurs intentions perfides au moment même où nous avons le plus besoin de tranquillité, de paix et d’harmonie, qu’ils meurtrissent de leurs ongles grossiers les blessures que nous portons depuis longtemps au cœur, que, par leurs importations, ils prennent notre argent par millions pour ensuite nous insulter et nous menacer avec nos propres armes.

Ottomans, pour faire comprendre à ces ennemis perfides le bouillonnement de notre sang et la colère de notre conscience, n’achetons plus rien à Stein, Karlman, Tiring, Mayer, Bazar allemand, Orosdi-Back et autres établissemens semblables. N’achetons plus les marchandises pourries de l’Autriche et de la Bulgarie. Soyez persuadés que ce procédé fera sur eux une impression plus forte que la guerre. Tout Ottoman, qui sait ce que sont